LES CHOIX DE LA MATINALE

Pour ce premier week-end d’automne, voici trois programmes riches et fort documentés sur des sujets graves. De la fabrique du terrorisme islamique à l’organisation de la police sous Vichy, en passant par les mensonges des industriels de l’alimentaire, vous trouverez réponse à vos questions.

Police partout

Bande-annonce : La police de Vichy
Durée : 00:42

Policier français ? Un ­métier d’avenir, surtout en 1941. Alors qu’une moitié du territoire est occupée par l’armée allemande et que la zone dite « libre » est ­dirigée par le régime collaborationniste de Vichy, de profondes réformes structurelles sont engagées par des proches du maréchal Pétain pour moderniser la police.

Le 23 avril 1941 voit la naissance de la police nationale. Auparavant, les agents étaient municipaux. Au sein du ministère de l’intérieur est créée la Direction générale de la police nationale, divisée en trois entités : la police judiciaire, les renseignements ­généraux et la sécurité publique. Les moyens alloués à cette nouvelle police française sont sans précédent : nouveaux locaux, salaires revalorisés, uniformes inspirés de la SS pour les gradés...

Enrichi d’une multitude d’archives colorisées filmées au cœur du dispositif policier de l’époque, ce documentaire y ajoute une narration originale en s’inspirant de la rotoscopie, technique qui intègre dans l’image des témoins sans faire appel à des scènes de reconstitution. De fait, grâce à ce procédé, les six hauts responsables de la police sous Vichy (Adrien Marquet, ­Marcel Peyrouton, Pierre Pucheu, Pierre Laval, Joseph Darnand, René Bousquet, joués par des ­comédiens) apparaissent et leurs propos, oscillant entre lâcheté crasse et fierté glaçante, font froid dans le dos. Le résultat final est aussi édifiant que remarquable. Alain Constant

« La Police de Vichy », de David Korn-Brzoza et Laurent Joly (France, 2017, 94 min). Disponible sur France.tv jusqu’au 26 septembre.

Syrte, ville martyre

[EXTRAIT] Daech, dans le cerveau du monstre 5 - 18/09
Durée : 00:55

Fin 2016, lorsque la ville libyenne de Syrte a été libérée de l’emprise de Daech [acronyme arabe de l’organisation Etat islamique, EI], un combattant des brigades de Misrata a découvert un ordinateur dans les décombres. Il a choisi de le confier au journaliste Kamal Redouani. Il n’appartenait pas à n’importe qui : c’était celui d’Abou Abdallah Al-Masri, l’un des émirs de l’EI qui régentait Syrte et commandait quelque 3 500 personnes.

Que contenait le disque dur ? Des informations inestimables sur le fonctionnement même de l’EI, que Kamal Redouani a étudiées et triées pendant un an. Il en ressort un documentaire glaçant, racontant le quotidien mortifère de cette ville qui a été, pendant deux ans, la « capitale » du groupe terroriste en Afrique du Nord.

Le disque dur recèle aussi des dossiers sur des attentats passés (comme celui Madrid, en mars 2004), détaillant les points forts et les erreurs à ne plus commettre, ou encore la marche à suivre pour fabriquer une bombe avec de simples produits ménagers…

Ce film donne aussi la parole aux habitants de Syrte qui ont connu « l’enfer » sous l’EI, ainsi qu’à des combattants et à des responsables du contre-espionnage libyens. Mais aussi à un émir de la guerre de 34 ans, caché à Istanbul (arrêté depuis l’interview), qui explique pourquoi son organisation prônait la terreur et comment il a jeté un homme du haut d’un immeuble parce qu’il était homosexuel. Mustapha Kessous

« Daech, dans le cerveau du monstre », de Kamal Redouani (France, 2018, 65 min). Disponible sur France.tv jusqu’au 25 septembre.

Les mensonges de l’agroalimentaire

L’usine de la coopérative Triskalia – le plus gros vendeur de pesticides en Bretagne – à Plouagat (Côtes-d’Armor). / DAMIEN MEYER / AFP

Alors qu’était lancé le manifeste « Nous voulons des coquelicots » par le journaliste de Charlie Hebdo Fabrice Nicolino, mercredi 12 septembre, appelant à interdire les pesticides en France, venait de prendre fin, sur France Culture, une série d’émissions proches de la thématique de ce manifeste : le « Journal breton » d’Inès Léraud.

Ce « journal », la documentariste l’aura tenu au fil de deux saisons (2016-2018) depuis la première région agroalimentaire française, en enquêtant principalement auprès de « la France des invisibles » : des habitants, producteurs et ouvriers de ce secteur, victimes ou malades de cette industrie en Centre Bretagne. Cela dans le cadre de l’émission de France Culture la plus originale qui soit, « Les Pieds sur terre », que produit Sonia Kronlund.

« Journal breton » aura ainsi permis de documenter la désinformation orchestrée par le monde de l’« agrobusiness » pour endormir ou tromper l’opinion publique et étouffer dans l’œuf toute volonté de résister à ses pratiques. Ce qu’Inès Léraud nomme « la fabrique du silence ». Martine Delahaye

« Les Pieds sur terre : Journal breton », d’Inès Léraud. Saisons 1 et 2 (22 × 30 min), à réécouter sur Franceculture.fr.