En novembre 2017, à Pékin. / Damir Sagolj / REUTERS

Vingt-quatre heures après avoir rompu le dialogue avec les Etats-Unis sur les questions militaires, la Chine a annoncé, mardi 25 septembre, ne pas pouvoir négocier « avec un couteau sur la gorge » sur les questions commerciales, selon l’expression employée par Wang Shouwen, ministre adjoint du commerce. La veille, de nouveaux tarifs douaniers imposés par les Etats-Unis sur 200 milliards de dollars (170 milliards d’euros) d’importations en provenance de Chine étaient entrés en vigueur, ainsi que de nouvelles taxes chinoises imposées, en représailles, sur 60 milliards de dollars d’importations en provenance des Etats-Unis.

La veille également, la Chine avait publié un « Livre blanc » sur le commerce sino-américain dans lequel elle rejette la faute de la guerre commerciale actuelle sur les Etats-Unis. Si le document ne mentionne jamais Donald Trump, il dénonce les méthodes de « voyou » de Washington. La reprise des négociations dépend uniquement de la « volonté » de Washington, a précisé Wang Shouwen. Durant le week-end des 22 et 23 septembre, on avait appris qu’en raison de l’entrée en vigueur des nouveaux droits de douane Liu He, le puissant conseiller économique du président Xi Jinping, renonçait à se rendre une nouvelle fois à Washington, malgré l’invitation lancée par le secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin, le 13 septembre, quelques jours avant l’annonce des nouvelles taxes par Donald Trump.

Tensions militaires

A ces tensions commerciales s’ajoutent donc des tensions militaires. La Chine a « décalé » des discussions entre responsables militaires chinois et américains prévues du 25 au 27 septembre, à Pékin, après l’annonce par Washington de sanctions contre la Chine, accusée d’avoir acheté quinze avions de combat russes Soukhoï SU-35 en 2017 ainsi que des équipements associés aux systèmes de défense antiaériens S-400 sol-air en 2018.

En vertu des sanctions, le département chinois de développement des équipements (EED), la branche militaire chargée des acquisitions d’armements, et son directeur, Li Shangfu, ne pourront plus demander de licences d’exportation ni s’intégrer au système financier américain. Ils sont ajoutés à la liste du département du Trésor des entités avec lesquelles les Américains ne peuvent pas réaliser de transactions. Ce serait la première fois que les Etats-Unis imposent des sanctions non seulement à la Russie, mais à l’un de ses clients.

« Symboliques »

Dans ce contexte déjà tendu, Washington a annoncé, lundi 24 septembre, qu’il approuvait la vente à Taïwan de pièces détachées et de pièces de rechange pour les avions de chasse et de transport F-16, C-130 et F-5 pour un montant de 330 millions de dollars. « La vente proposée va contribuer à la politique étrangère et à la sécurité nationale des Etats-Unis en aidant à améliorer les capacités de sécurité et de défense du destinataire, qui a toujours été et qui reste une force importante de stabilité politique, d’équilibre militaire et de progrès économique dans la région », précise le communiqué du département d’Etat américain. Une vente qui irriterait Pékin, dans la mesure où le pays ne reconnaît pas l’indépendance de l’île.

« Tant les sanctions contre le directeur du département des achats chinois que la vente de pièces détachées à Taïwan sont symboliques. Les sanctions ne remettent pas en question la coopération militaire entre la Russie et la Chine, et la vente n’est pas de nature à changer l’équilibre des forces dans le détroit de Taïwan. Mais ces décisions et les réactions chinoises qu’elles provoquent sont de nature à défaire la diplomatie militaire que les deux pays avaient commencé à construire sous Barack Obama. Déjà, la Chine n’avait plus été invitée, cette année, à participer aux grandes manœuvres que mènent les Etats-Unis et leurs alliés dans le Pacifique. Tous ces éléments ne peuvent que renforcer l’idée chinoise que la guerre commerciale que leur livrent les Etats-Unis s’inscrit dans le cadre d’une stratégie bien plus large », analyse Mathieu Duchâtel, expert de l’Asie au sein de l’European Council on Foreign Relations.

Symboliquement, la Chine a interdit, lundi, à un navire militaire américain de faire escale à Hongkong le mois prochain.