Quinze jours après les élections législatives, les Suédois n’ont toujours pas la moindre idée du nom de leur prochain premier ministre, et encore moins de la composition du gouvernement qu’il pourra diriger. Depuis lundi 24 septembre, leur Parlement a au moins un nouveau président : le conservateur Andreas Norlen, 45 ans, a battu son opposante sociale-démocrate Asa Lindestam. M. Norlen, ancien président de la commission des lois constitutionnelles au Riksdag, a été élu grâce aux voix des élus des Démocrates de Suède (SD, extrême droite).

Sa nomination à peine entérinée, il a organisé, mardi 25 septembre, un vote de défiance à l’encontre du premier ministre sortant, le social-démocrate Stefan Löfven. Une majorité de 204 parlementaires sur 349 ont voté contre la motion de confiance, soit la totalité des élus de la droite, du centre et de l’extrême droite, moins une voix. M. Löfven restera à son poste pour expédier les affaires courantes, en attendant la formation d’un nouveau gouvernement.

Le président du Parlement devrait charger le patron des conservateurs, Ulf Kristersson, de s’atteler à cette tâche et de commencer les négociations de coalition. Elles s’annoncent très compliquées, comme l’illustre l’épisode, lundi, de l’élection du président du Parlement et de celle de ses trois vice-présidents, qui ont mis à mal les pratiques jusque-là bien ancrées de la démocratie suédoise.

Impasse politique

Depuis 1976, la tradition veut que chaque poste soit attribué aux différents partis en proportion de leur taille, la présidence revenant à la formation du futur premier ministre, soit habituellement le chef du premier parti du plus gros « bloc » d’alliance. Cette année, les sociaux-démocrates, arrivés en tête, auraient donc dû en hériter. Dans un geste visant à sortir de l’impasse politique dans laquelle se trouve la Suède depuis les élections du 9 septembre, le parti du premier ministre avait fait savoir qu’il était prêt à ne pas proposer de candidat, envisageant un compromis au-delà des lignes partisanes.

L’Alliance (bloc regroupant les conservateurs, centristes, chrétiens-démocrates et libéraux) a refusé de négocier, estimant qu’elle était en meilleure position de former un gouvernement, et que la présidence du Parlement devait donc lui revenir. Les Démocrates de Suède (SD) ont fait la même analyse, à une différence près, constate le politologue Carl Dahlström : « Ils ont décidé de soutenir Andreas Norlen en tant que candidat conservateur, pas candidat de l’Alliance. »

Car eux rêvent d’un gouvernement resserré, composé des conservateurs et chrétiens-démocrates, qu’ils soutiendraient au Parlement. « Ils estiment que les trois partis sont suffisamment alignés sur l’immigration et l’intégration pour leur garantir une influence politique, ce qu’ils désirent le plus », commente le politologue.

A en croire sa réaction indignée après les défaites successives de son candidat, Björn Söder, au poste de second puis de troisième vice-président, le chef de file de l’extrême droite, Jimmie Akesson, espérait un retour d’ascenseur. Lundi, le Parti de gauche a présenté une candidate en face de celui qui, en juin, avait provoqué une vive polémique en affirmant que ni les juifs, ni les Samis (le peuple autochtone du nord du pays) n’étaient « suédois ». Lotta Johnsson Fornarve a été élue grâce aux voix des Verts et sociaux-démocrates. Les députés de droite ont voté blanc, à l’exception de 21 d’entre eux qui ont plébiscité Björn Söder, en violation des instructions de leur direction.

Pour la troisième vice-présidence, la candidate centriste, Kerstin Lundgren, a obtenu le soutien de tous les partis, à l’exception de SD, qui a une nouvelle fois présenté Björn Söder. A la sortie, Jimmie Akesson enrageait contre la « faiblesse » des conservateurs et soulignait que « plus tôt les autres partis comprendront qu’ils doivent prendre en considération les SD, plus facile ce sera de gouverner le pays et d’élire un premier ministre. »

Dans les rangs du Parti conservateur, des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent en faveur d’un rapprochement avec les Démocrates de Suède. Plus de 300 élus locaux ont affirmé récemment qu’ils y étaient favorables. Nombre d’entre eux sont originaires de Scanie ; la région du sud de la Suède où l’extrême droite est arrivée en tête dans un tiers des communes.

Mais centristes et libéraux excluent de participer à un gouvernement dépendant du soutien de l’extrême droite : « C’est possible mathématiquement, mais les antagonismes idéologiques sont trop importants », a redit le patron des libéraux, Jan Björklund, lundi, ajoutant qu’il ne pourrait y avoir de gouvernement de centre droit sans un soutien garanti des sociaux-démocrates au Parlement.

« En pratique, les sociaux-démocrates ont obtenu un droit de veto contre un gouvernement de l’alliance », notait le journal Dagens Nyheter, lundi soir. Stefan Löfven a déjà fait savoir, cependant, qu’il y était opposé. « Je suis président du Parlement, je ne suis pas magicien », a prévenu Andreas Norlen lors de sa première conférence de presse, conscient de la tâche qui l’attend. Au terme de quatre tentatives infructueuses pour former un gouvernement, il devra convoquer des élections anticipées.