Pourquoi la situation financière des collectivités territoriales s’améliore-t-elle ? Et pourquoi, en dépit ou à cause de cette amélioration, l’objectif de modération de leurs dépenses de fonctionnement poursuivi par le gouvernement pour la période 2018-2022 paraît-il ambitieux, voire incertain ? Sur ces deux questions, le rapport de la Cour des comptes sur les finances publiques locales rendu public mardi 25 septembre apporte d’utiles éclairages.

Malgré la baisse des dotations de l’Etat imposée par la précédente majorité sur la période 2014-2017, les collectivités locales ont enregistré un excédent trois années de suite. En 2017, bien que leurs dépenses aient crû plus rapidement que leurs recettes (+ 2,3 % contre + 1,6 %), elles ont dégagé une capacité de financement de 1,7 milliard d’euros après 1,1 milliard en 2015 et 3,3 milliards en 2016, le recul de l’excédent en 2017 étant lié à la reprise de l’investissement local.

Pour l’année 2017, si les concours financiers de l’Etat ont encore diminué de 2,1 milliards d’euros (– 4,3 %) du fait, notamment, de la poursuite de la baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF), les transferts financiers, eux, sont restés globalement stables (– 0,2 %). Cette stabilité s’explique par une hausse sensible de la fiscalité transférée par l’Etat aux collectivités, en hausse de 2,1 milliards d’euros (+ 6,2 %), avec une augmentation particulièrement marquée des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), dont les départements sont les principaux bénéficiaires, qui ont augmenté de 1,6 milliard d’euros (+ 16,4 %).

Changement de majorité, changement d’approche

Cette évolution des transferts financiers varie de – 2,2 % pour le bloc communal, à + 1,6 % pour les départements et – 0,5 % pour les régions. S’y ajoute une progression soutenue de la fiscalité directe locale. En 2017, le produit des impôts locaux s’est accru de 2,3 milliards d’euros (+ 2,8 %). Ces montants globaux, cependant, recouvrent des situations différentes selon les niveaux de collectivité, et cela ne veut pas dire que certaines d’entre elles ne sont pas confrontées à de réelles difficultés, notamment parmi les départements. Mais cela relativise quelque peu les propos d’estrade selon lesquels les collectivités « sont à l’os ».

Depuis 2017, changement de majorité et changement d’approche : à la contrainte sur les recettes se substitue l’encadrement des dépenses de fonctionnement. La Cour souligne que la réduction uniforme de la DGF « avait atteint ses limites », car ne tenant pas compte de l’hétérogénéité des situations, et qu’il convenait de mettre en place de nouveaux outils de gouvernance. Les principales associations d’élus locaux étaient elles-mêmes favorables à un dispositif basé sur la contractualisation plutôt que sur la contrainte.

La loi de programmation des finances publiques du 22 janvier 2018 prévoit donc un objectif national d’évolution des dépenses de fonctionnement des collectivités de 1,2 % par an, contre 1,5 % en moyenne sur la période 2013-2017. Ainsi, avec une diminution de la part des dépenses des collectivités dans le produit intérieur brut (PIB) plus marquée (de 11,2 % en 2017 à 10,1 % en 2022) que celle des recettes (de 11,2 % à 10,8 %), le solde des administrations publiques locales devrait s’améliorer fortement pour atteindre 19,5 milliards d’euros en 2022.

Accroître les dépenses d’investissement

« L’objectif fixé aux administrations publiques locales par la loi de programmation est donc ambitieux », notent les magistrats financiers. De « fortes incertitudes » pèsent cependant sur ce surcroît attendu d’autofinancement des collectivités. Selon la loi de programmation, les collectivités devraient employer ces marges de manœuvre pour réduire leur endettement de 2,9 points de PIB entre 2017 et 2022. Cela sera-t-il le cas ? La Cour des comptes émet quelques doutes.

Selon elle, il paraît « improbable » que les collectivités — du moins celles qui disposent d’un pouvoir de taux (communes, établissements publics de coopération intercommunale [EPCI] et départements) — optent pour une baisse des impôts locaux au moment où est envisagée une suppression progressive de la taxe d’habitation. Par ailleurs, note-t-elle, les collectivités sont globalement peu endettées. Le surendettement ne concernait en 2017 que 8 départements, 3 075 communes, 126 EPCI et une métropole. Peu probable, donc, que cette croissance de l’épargne brute soit employée à réduire l’encours de dette.

L’utiliser, alors, pour accroître les dépenses d’investissement ? Selon la direction du budget, celles-ci devraient connaître un taux de croissance de 4,4 % en 2018 et 5 % en 2019 puis se stabiliser l’année suivante. Selon les trajectoires prévisionnelles, l’accroissement des dépenses d’investissement en fin de période (+ 5,3 milliards d’euros) devrait être deux fois moins important que le surcroît d’épargne (11,2 milliards) dégagé par les collectivités. Elles disposeraient donc, dès 2020, d’un montant significatif d’autofinancement non employé.

En conclusion, estime la Cour, les collectivités pourraient être tentées soit d’accentuer la reprise des dépenses d’investissement pour rattraper le retard accumulé depuis 2013, soit de « relâcher leurs efforts d’économie en matière de fonctionnement ». Ainsi, « elles redonneraient la priorité à l’amélioration de l’offre de services publics et à la réponse aux besoins nouveaux résultant de facteurs démographiques et sociaux ». Sans exclure une combinaison des scénarios. « Au total, une grande incertitude entoure la réalisation de la trajectoire d’amélioration de la situation financière des collectivités locales », conclut le rapport.

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