Au Golf national de Guyancourt (Yvelines), mercredi 26 septembre. / CARL RECINE / REUTERS

Comment se fait-il que la France, cette « nation élégante », ait tant de mal dans ce « sport élégant » ? Saluons la diplomatie de la journaliste chinoise qui a formulé la question, en français dans le texte, lors de la conférence de presse de lancement de la Ryder Cup. Dit plus crûment : comment se fait-il que, pour la première fois en 42 éditions, la plus prestigieuse épreuve de golf par équipes se dispute sans aucun golfeur du pays qui l’accueille ? En l’occurrence, sans aucun Français sur le parcours du Golf national de Guyancourt (Yvelines), du vendredi 28 au dimanche 30 septembre.

En marge de cette première édition dans le pays, la question commence à devenir quelque peu « redondante » pour Christophe Muniesa, directeur technique national de la Fédération française de golf (FFG). L’ancien participant Jean Van de Velde évoque simplement, et « malheureusement, la loi du sport ». La loi de la Ryder Cup, en tout cas, ce rendez-vous bisannuel qui oppose les douze meilleurs golfeurs européens à leurs homologues américains.

Avant 1979, le trophée opposait une coalition britannico-irlandaise à l’équipe des Etats-Unis. Depuis l’élargissement à toute l’Europe pour relancer l’intérêt de la compétition, seuls trois Français ont déjà réussi à en être : Jean Van de Velde (1999), donc, mais aussi Thomas Levet (2004, titré avec l’équipe européenne) et Victor Dubuisson (également vainqueur en 2014). Pourquoi si peu sur une si longue période ? « Normal, tranche Thomas Levet. La France reste une petite nation du golf mondial et européen. »

« On part de très loin »

Pour espérer jouer cette année la Ryder Cup à domicile, les Français avaient plusieurs voies possibles. Soit finir parmi les quatre meilleurs du circuit européen. Soit se hisser parmi les quatre meilleurs du niveau mondial. Soit bénéficier de l’une des quatre invitations du capitaine danois de l’équipe, Thomas Bjorn, mais celui-ci a finalement convié deux Anglais (Poulter et Casey), un Suédois (Stenson) et un Espagnol (Garcia). Un quatuor d’expérience pour accompagner les huit joueurs déjà qualifiés en vertu de leur classement, dont cinq novices : trois Anglais (Rose, Hatton, Fleetwood), un Nord-Irlandais (McIlroy), un Italien (Molinari), un Espagnol (Rahm), un Suédois (Noren) et un Danois (Olesen).

Trop de concurrence pour le meilleur Français, Alexander Lévy, 91e mondial à ce jour. Le sportif de 28 ans ignore encore quelle « potion magique » permettrait aux golfeurs tricolores de mieux figurer. « On part de très loin, estime-t-il. Un champion, ça ne se fait pas comme ça. Trop facile de jeter la pierre à untel ou untel, alors que réellement personne n’a de solution au problème. »

Né aux Etats-Unis, Alexander Lévy regrette aujourd’hui un manque d’engouement en France, et donc de stimulation. « On a l’étiquette d’un “sport de riches”, un “sport de bourgeois”, un sport qui n’est pas un sport. » Il faut dire que certaines statistiques accréditent encore cette idée, malgré l’explosion démographique de la FFG : 410 000 licenciés en 2017, contre 38 000 en 1980. Chaque licencié dépense en moyenne 489 euros pour s’équiper durant une saison, d’après une étude réalisée cette année par l’Union sport et cycle, groupement d’entreprises. Et les sommes grimpent encore s’agissant du budget hors équipement (abonnements, adhésions, leçons) : à peine 21 % des licenciés s’en tirent pour un montant inférieur ou égal à 500 euros.

Pourtant, Christophe Muniesa insiste. « Notre ambition première [consiste à] populariser la pratique du golf. » Et le directeur technique national d’ajouter : « Autant il serait erroné de dire que le golf compte parmi les disciplines sportives les plus modiques, autant il serait faux de continuer à répandre des clichés selon lesquels la pratique du golf est un Graal inaccessible d’un point de vue économique. » Le dirigeant cite en exemple la construction de « petites structures », des équipements censés rapprocher la petite balle blanche des centres-villes et permettre des tickets d’entrée moins onéreux. La « fédé » française dénombre 128 structures de ce type sur tout son territoire, auxquelles s’ajoutent 604 golfs traditionnels.

Une absence comblée par Tiger Woods

En simple spectateur, Alexander Lévy n’exclut pas d’assister à la journée finale de cette Ryder Cup, dimanche. Pour le simple plaisir de regarder jouer l’Américain Tiger Woods. Peut-être « le plus grand sportif au monde », selon lui. De ceux qui peuvent donner envie à des enfants de se mettre au golf. « On a une chance monstrueuse d’avoir Tiger Woods en France, et ça, pour le public, ça remplace l’absence de n’importe quel joueur français », considère Thomas Levet, qui commente désormais la compétition pour Canal+.

Une précision s’impose, ou plutôt deux. Des Français, Raphaël Jacquelin et Grégory Havret, se trouveront bien dans l’équipe européenne cette année. Mais en tant qu’assistants du capitaine Thomas Bjorn et du vice-capitaine Robert Karlsson. « Je conduirai la voiturette », précise Raphaël Jacquelin, lui-même golfeur de haut niveau, conseiller idéal sur l’Albatros, le parcours du golf national, qu’il connaît pour l’avoir fréquenté dès les championnats de France juniors. Le quadragénaire tient déjà son rôle de « chauffeur officiel » pour « une certaine forme de récompense ».