Kavanaugh agresseur ? Sa stratégie décryptée en 3 points
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Et soudain, le pays s’est arrêté. Durant près de neuf heures, jeudi 27 septembre, des millions d’Américains sont restés rivés à un écran de télévision, de téléphone portable ou d’ordinateur. Ils ont regardé, en direct, les auditions devant la commission des affaires judiciaires de Christine Blasey Ford et de Brett Kavanaugh, candidat à la Cour suprême américaine, accusé par la première d’agression sexuelle en 1982. « Ces auditions ont fasciné les Américains comme peu d’événements de l’histoire récente », écrit le Washington Post.

Que ce soit dans un avion, à Wall Street, à l’hôpital, dans des bars ou dans le métro, les Américains, républicains comme démocrates, ont suivi ce moment historique. Beaucoup n’ont pu retenir leurs larmes devant le témoignage de Mme Ford, enseignante en psychologie de 51 ans, qui a détaillé devant les juges l’agression sexuelle dont elle dit avoir été victime lors de son adolescence, au cours d’une soirée arrosée. Avec, dans tout le pays, cette même question et ce même doute : qui, de Mme Ford ou de M. Kavanaugh, qui a nié catégoriquement les faits dont il est accusé, dit la vérité ?

« Un couple écoutant l’audition de Kavanaugh dans le métro à New York. »

« Une chimio avec Kavanaugh. Bravo à l’hôpital Emory pour ses équipements modernes. »

« Partout dans le monde, les gens regardent l’audience Kavanaugh-Ford, y compris les passagers des avions. Voici la vue à bord du vol JetBlue 415 de New York à San Francisco. »

Libération de la parole

« Les gens écoutaient sur leur téléphone, dans le métro et les salles d’attente des médecins. La Bourse de New York s’est calmée. Les couloirs du Capitole se sont vidés. Au ministère du logement et de l’urbanisme, tant de gens ont regardé le témoignage de Ford dans leur bureau que le service informatique a averti qu’ils pouvaient saturer le réseau », raconte encore le Washington Post.

Les étudiants de l’université de droit de Pennsylvanie en train de regarder l’audition.

« Je la regarde chez Hart [centre commercial]. Beaucoup d’applaudissements pour Ford et une seule personne a applaudi Grassley [sénateur républicain américain]. »

Pour de nombreux médias américains, ces auditions ont permis à tout un pays de débattre des violences sexuelles, près d’un an après les premières révélations visant le producteur Harvey Weinstein, qui ont déclenché la libération de la parole des femmes et donné naissance au mouvement #MeToo. Durant les interruptions de séance, jeudi, la chaîne parlementaire C-SPAN a notamment diffusé des appels de téléspectatrices racontant les agressions sexuelles qu’elles avaient subies. Des souvenirs que le témoignage de Christine Blasey Ford a fait resurgir :

« Une arrière-grand-mère de 76 ans a pleuré en se rappelant avoir été molestée en deuxième année [correspondant à l’école élémentaire] par un élève de septième année [niveau collège], raconte le Wall Street Journal. Regarder les auditions, dit-elle, “ravive tellement de douleur”. Elle pensait en avoir fini avec ça, mais elle a pris conscience jeudi que ça n’était pas le cas. »

Du niveau des auditions du Watergate ou d’O. J. Simpson

Pour le New York Times, l’audition de Mme Blasey Ford et de M. Kavanaugh est à mettre sur le même plan que celles « du Watergate, du procès d’O. J. Simpson et d’Anita Hill [qui avait accusé en 1991 le juge Clarence Thomas, candidat de George H. W. Bush à la Cour suprême, de harcèlement sexuel]. L’histoire politique s’est déroulée en temps réel. »

Des journalistes du quotidien se sont invités chez des citoyens à Colorado Springs, à Plymouth ou à Morrisville pour vivre avec eux cette audition hors du commun. Les Américains « espéraient voir enfin un portrait plus complet de la Dre Blasey […], qui était connue depuis des jours par une photo floue qui la montrait souriante, plus heureuse. […] Ils ont regardé ce que pourrait devenir le juge Kavanaugh, et s’il allait bientôt accéder à l’une des positions les plus puissantes du pays », racontent-ils.

De son côté, le président des Etats-Unis a regardé le témoignage de Mme Blasey Ford dans l’avion Air Force One qui le ramenait de New York, où il avait assisté à l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies. Il a ensuite suivi l’audition de M. Kavanaugh à la Maison Blanche. Et alors que les Américains ont débattu toute la journée de la véracité des propos des deux protagonistes, Donald Trump a lui fait son choix : il a confirmé dans un tweet son plein soutien au juge Kavanaugh.

« Le juge Kavanaugh a montré à l’Amérique exactement pourquoi je l’avais nommé. Son témoignage était puissant, honnête et fascinant. La stratégie de recherche et de destruction des démocrates est honteuse et ce processus a été une imposture et un effort total pour retarder, entraver et résister. Le Sénat doit voter ! »