Editorial du « Monde ». François Hollande et Emmanuel Macron pourraient célébrer de concert un résultat dans lequel chacun a sa part : en 2019, le régime général de Sécurité sociale devrait afficher un excédent de 700 millions d’euros. Pour la première fois depuis 2001, sous le gouvernement de Lionel Jospin, la « Sécu » va revenir dans le vert. Il suffit de rappeler le déficit record de 2010, 28 milliards d’euros, au plus fort de la crise financière, pour mesurer le chemin parcouru au prix de plans parfois drastiques d’économies, d’une plus grande maîtrise des dépenses de santé et des efforts continus des salariés et des retraités. L’an prochain, toutes les branches devraient être excédentaires, à l’exception de l’Assurance-maladie, qui affichera un déficit de 500 millions d’euros (après 900 millions en 2018 et 4,9 milliards en 2017).

Alors que la croissance subit un gros coup de mou, cette bonne nouvelle est due, dans une large mesure, au quasi-gel des prestations sociales sur les deux prochaines années. En 2019 et en 2020, elles ne seront revalorisées que de 0,3 %, soit bien au-dessous de l’inflation prévue. Cette décision, qui alimente la grogne des retraités, dont 60 % subissent une hausse non compensée de la contribution sociale généralisée (CSG), générera une économie de 3,3 milliards d’euros, dont 1,8 milliard pour le régime général de Sécurité sociale.

Plusieurs mesures favorables

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2019 maintient le cap des économies, même si pour Agnès Buzin, ministre des solidarités et de la santé, il vise à « protéger les plus fragiles, investir pour l’avenir et libérer l’économie pour soutenir l’activité ». Le gouvernement, qui doit assurer le financement de son ambitieux plan santé, qui produira ses effets à long terme, a consenti une poire pour la soif : l’objectif national des dépenses d’assurance-maladie (Ondam) a été relevé pour 2019 à 2,5 %, soit 400 millions de plus, c’est-à-dire 3,8 milliards d’euros d’économies au lieu des 4,2 millions préconisés par le Haut Conseil aux finances publiques.

Le PLFSS prévoit ainsi plusieurs mesures favorables aux assurés sociaux. La mise en place de l’offre « 100 % santé », qui instaurera le « reste à charge zéro » pour les prothèses dentaires, auditives et les lunettes, sera lancée à la fin de 2019 et s’échelonnera jusqu’en 2021. En novembre 2019, la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) va être étendue à 1,2 million de personnes. D’autres améliorations concerneront, par exemple, le congé maternité des travailleuses indépendantes.

Le PLFSS va surtout rétablir, à compter du 1er septembre 2019, l’exonération de cotisations salariales vieillesse de base et complémentaire pour les heures supplémentaires. Cette mesure avait été instaurée par Nicolas Sarkozy, au grand dam de certains syndicats, qui jugeaient qu’elle allait empêcher des créations d’emplois, et supprimée par François Hollande. Ce cadeau aux salariés (600 millions d’euros) ne sera plus compensé par l’Etat mais supporté intégralement par la Sécurité sociale. Une telle innovation met le gouvernement en contradiction avec la loi Veil du 25 juillet 1994, qui prévoit que « toute mesure d’exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale (…) donne lieu à compensation intégrale aux régimes concernés par le budget de l’Etat ». Quand la « Sécu » revient dans le vert, l’Etat fait peu de cas de son « autonomie » et accroît son emprise politique.