Dans une clinique de Médecins sans frontières (MSF) à Bujumbura, la capitale du Burundi, en août 2005, pendant une épidémie de choléra. / JOSE CENDON / AFP

Les autorités du Burundi ont décidé de suspendre pour trois mois les activités des organisations non gouvernementales (ONG) étrangères dans le pays, à partir du 1er octobre, conditionnant leur « redémarrage » à leur mise en œuvre d’une nouvelle loi contrôlant strictement leurs opérations.

« Après avoir analysé le fonctionnement des ONG œuvrant au Burundi, le Conseil national de sécurité [CNS] a constaté que la plupart d’entre elles ne se conforment ni à la loi, ni aux textes qui les régissent », a affirmé, jeudi 27 septembre au soir, le général Silas Ntigurirwa, secrétaire exécutif de ce Conseil composé des plus hauts responsables burundais et placé sous la direction du président Pierre Nkurunziza.

« Le CNS décide la suspension de toutes les activités de ces ONG pendant une période de trois mois, à compter du 1er octobre 2018, pour permettre aux institutions chargées de ces dernières de vérifier leur conformité avec la loi et le règlement en vigueur », a ajouté le général Ntigurirwa, dans ce message lu à la télévision.

« Fuite en avant »

Il a souligné que le « redémarrage » des activités des organisations étrangères serait « conditionné » à leur « conformité à la nouvelle loi qui régit les ONG au Burundi ». Ce texte, promulgué en janvier 2017, prévoit notamment un strict contrôle de leurs finances, des frais administratifs et des quotas ethniques (l’emploi de 60 % de Hutu et de 40 % de Tutsi, comme dans l’administration).

Un diplomate occidental, qui craint que cette annonce ne pousse les ONG internationales à mettre un terme à leurs activités, alors qu’une grande partie de l’aide de l’Union européenne (UE) passe par elles, a dénoncé « une véritable fuite en avant ».

« Il s’agit d’un signe très clair que le pouvoir de Nkurunziza [issu de l’ex-rébellion hutu] tire de plus en plus sur la fibre ethnique, afin de susciter une union sacrée au sein de la majorité hutu pour faire oublier que le pays est en ruine », a analysé un haut cadre burundais.

Le Burundi est en crise depuis que le président Nkurunziza a annoncé, en avril 2015, sa candidature à un troisième mandat. Sa réélection, en juillet de la même année, a déclenché une crise qui a fait au moins 1 200 morts et entraîné le déplacement de plus de 400 000 personnes. Ces violences ont poussé la Cour pénale internationale (CPI) à ouvrir une enquête.

Enquête prolongée

Dans un rapport publié en septembre, la commission d’enquête de l’ONU sur ce pays, qui n’a jamais été autorisée par le pouvoir à se rendre sur place, a dénoncé de graves violations des droits humains en 2017 et 2018, dont des crimes contre l’humanité, alimentées par les « appels récurrents à la haine » du président Pierre Nkurunziza.

Le mandat de cette commission d’enquête a été prolongé d’un an, vendredi 28 septembre, par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Une résolution en ce sens, proposée par l’UE, a été adoptée par 23 voix sur les 47 Etats siégeant actuellement au Conseil. Sept pays ont voté contre, et 17 autres se sont abstenus.