Le parquet de Paris a demandé un non-lieu général dans l’affaire de l’exposition à l’amiante de salariés de l’usine normande de Valeo-Ferrodo à Condé-sur-Noireau, a-t-on appris par l’AFP vendredi 28 septembre. Ce dossier est l’une des affaires les plus emblématiques d’un scandale sanitaire où une « impasse juridique » empêche d’établir des responsabilités pénales.

Les juges d’instruction doivent désormais rendre leur décision sur l’issue de ce dossier vieux de plus de 20 ans. L’hypothèse la plus probable est celle de l’abandon des poursuites et de la perspective d’un procès pour les cinq ex-responsables de l’usine de l’équipementier automobile Valeo-Ferrodo, mis en examen pour « homicides et blessures involontaires ».

Au total, une quinzaine d’affaires liées au scandale de l’exposition à cette fibre cancérogène, interdite en France en 1997, pourraient prendre le même chemin.

« Pas une surprise »

« A Condé-sur-Noireau [Calvados], dans cette vallée de la mort où les maladies et les décès dus à l’amiante de Valeo-Ferrodo se comptent par centaines, c’est une impunité générale pour tous les responsables qui se prépare », a réagi vendredi l’Andeva, l’association des victimes de l’amiante.

« C’est une grande déception, mais pas une surprise. On savait que l’on courait vers un désastre judiciaire dans le scandale de l’amiante », a déploré auprès de l’AFP Michel Ledoux, avocat de plusieurs parties civiles.

Dans ses réquisitions datées du 18 septembre, le parquet tire les conséquences d’une expertise judiciaire définitive de février 2017 qui avait déjà tari l’espoir des victimes de voir se tenir un procès de l’amiante.

« Impasse juridique »

Les experts estimaient qu’il était impossible de déduire avec précision le moment de l’exposition, ni celui de la contamination. Les juges du pôle de santé publique se sont rangés à cette analyse, tout comme le parquet, qui concède l’existence d’une « impasse juridique » et d’un « obstacle majeur » à la possibilité d’établir des responsabilités pénales.

« Face à cette indétermination sur le plan temporel, il semble impossible de faire le lien, de manière certaine (…) entre une éventuelle faute commise par tel mis en cause et la pathologie de telle victime », écrit le parquet dans ses réquisitions, dont a eu connaissance l’AFP.

Lancée en 1996 avec les premières plaintes, l’affaire de l’équipementier automobile Valeo-Ferrodo s’était concentrée sur les cas de 22 anciens salariés exposés entre 1952 et 2007 aux poussières volatiles de l’amiante qui entrait notamment dans la fabrication de plaquettes de frein.

Outre les ex-responsables du site mis en examen, dix autres personnes, dont d’anciens participants du Comité permanent amiante (CPA), structure accusée par les parties civiles d’être le lobby des industriels, ont été placées sous le statut intermédiaire de « témoin assisté », les poursuites à leur encontre ayant été annulées. Parmi elles, Martine Aubry, un temps mise en examen en tant que directrice des relations du travail entre 1984 et 1987 au ministère du travail, avant d’être mise hors de cause.

En avril 2015, la Cour de cassation avait estimé qu’aucune négligence ne pouvait être reprochée à ces décideurs publics.

En 2012, les autorités sanitaires estimaient que l’amiante pourrait provoquer d’ici à 2025 3 000 décès chaque année causés par des cancers de la plèvre ou des cancers bronchopulmonaires.