Au Golf national de Saint-Quentin-en-Yvelines, durant le second jour de compétition, samedi 29 septembre. / LIONEL BONAVENTURE / AFP

Sans souci du qu’en-dira-t-on, voilà des jeunes qui crient en public. Oh, rien de bien méchant : « Ohé, ohé, ohé ! » Un peu plus loin dans la foule, d’autres reprennent en écho. Puis d’autres encore, prêts à trinquer, canettes de bière en main, déguisement en évidence : short bleu étoilé, casquette à l’avenant, et veste jaune. Des moments comme il s’en produit seulement tous les deux ans, dans le petit monde policé du golf, à chaque Ryder Cup.

Malgré ses inscriptions en anglais (parfois sans traduction), malgré ses prises électriques anglaises, malgré ses camions d’alimentation anglaise, le célèbre match Europe – Etats-Unis a bien lieu en France cette année. Pour la première fois de son histoire en quarante-deux éditions, la compétition a élu pour terrain de jeu le Golf national de Saint-Quentin-en-Yvelines, de vendredi 28 à dimanche 30 septembre.

Jolie occasion, presque ontologique, de mieux comprendre le public d’une Ryder Cup. « Ici, par exemple, tu peux te déguiser en Bananaman », résume Baz Robinson, 38 ans, spectateur effectivement vêtu aux couleurs du héros de BD britannique. Le Londonien travaille normalement dans la finance. Sauf cette semaine, où il a pris des congés en vue du « meilleur week-end de l’année ».

« On peut soutenir une équipe »

Venu en groupe, l’Anglais a déjà deux Ryder Cup derrière lui : une en Ecosse (2014), l’autre au pays de Galles (2010). « Dans cette compétition, enfin, on peut soutenir une équipe, contrairement aux tournois individuels du Grand Chelem, plus traditionnels, plus vieille école. »

Là, il s’agit de prendre parti. Si possible bruyamment, mais entre chaque coup, pour ne pas troubler la quiétude du golfeur. Soit pour l’Europe (« Europe ! Europe ! », voire, plus rare, « Allez les Bleus ! »), soit pour les Etats-Unis (« USA ! USA ! »).

Le choix de Baz Robinson est vite fait : va pour l’Europe, dont le drapeau a opportunément les mêmes couleurs que Bananaman. Pour chacun des trois jours de compétition, le Golf national devrait accueillir au moins 51 000 spectateurs, affluence digne d’un stade de football. Parmi eux : 40 % de Français, entre 15 % et 18 % d’Américains… mais aussi 35 % de Britanniques, les dernières places se répartissant entre le « reste du monde », selon Pascal Grizot, vice-président de la Fédération française de golf (FFG).

Voir autant d’Anglais sur le pré yvelinois est une expérience amusante, alors que le Royaume-Uni s’apprête à quitter dans un an l’Union européenne. « Moi, je ne veux pas du Brexit », précise M. Robinson, qui refuse cependant de voir dans la Ryder Cup une affaire politique. « Le sport dépasse la politique ! »

On pourrait marcher longtemps pour continuer le référendum. Aller jusqu’à la tribune démontable de plus de 6 000 places ; s’étendre à même le sol le long d’un parcours ; se tenir droit, jumelles au cou ; voire tenter une incursion dans l’espace réservé aux proches des joueurs (« Player family dining »).

150 euros minimum la journée

A Saint-Quentin-en-Yvelines, le public regarde aussi beaucoup la télévision. Du moins, les écrans géants qui retransmettent en direct l’avancée de tel ou tel joueur. Plusieurs parties se déroulent simultanément, alors il faut tendre l’oreille : si du bruit est perceptible à tel endroit du parcours, c’est qu’il s’y est passé quelque chose.

« La Ryder Cup casse les codes du golf », résume un spectateur français, Clément Gauthier, 35 ans. Cet analyste de marché vient des Hauts-de-Seine. Ses amis de l’Essonne, des Yvelines et de la Marne, l’un d’eux portant à la main un drapeau européen, distribué dans les gradins. « Ici, même nous, on peut se mettre à encourager des Anglais, alors que, bon, on ne peut pas dire qu’on soit leurs premiers supporteurs normalement. »

Pour Megan et Jamie Jones, mère au foyer et commercial, plus long fut le déplacement. Avec deux amis, ces trentenaires ont pris un vol des Etats-Unis. Reconnaissable à ses sweats aux couleurs de la bannière américaine, le groupe a réservé cinq nuits dans un hôtel « près des Champs-Elysées ». A plus d’une heure du Golf national, où il se rend tous les jours.

Prix minimum des billets, selon les tarifs des organisateurs : 150 euros à l’unité pour la journée de vendredi, 160 euros pour celle de samedi et 175 euros le dimanche. Pour populariser le golf et l’ouvrir au public le plus large possible, on repassera.

« Ceux qui ont acheté des billets sont déjà des passionnés de golf, concède Pascal Grizot. Pour les non-golfeurs, on espère surtout les convertir à travers les émissions et les retransmissions télé. » En France, c’est la chaîne cryptée (et payante) Canal+ qui retransmet en exclusivité les trois jours de compétition.