En demi-finale, les Espagnoles impuissantes ont eu l’impression que Liz Cambage « jouait au mini-basket » avec elles. / JAVIER SORIANO / AFP

Caillou volcanique posé dans l’Atlantique, l’île de Tenerife est accoutumée à voir se briser sur ses côtes des vagues de belle ampleur. Et les surfeurs ne s’y trompent pas. Mais la seconde île de l’archipel des Canaries était-elle prête pour la déferlante Liz Cambage ? Depuis l’entame de la Coupe du monde féminine de basket, la pivot australienne a fait de l’île espagnole son royaume. Et réduit toute opposition au silence.

Pourtant, un vacarme assourdissant régnait, samedi 29 septembre, dans le palais Santiago Martin de Tenerife. Face aux Opals australiennes et leur spectaculaire star se présentait la sélection espagnole, forte de l’appui de tout un peuple. Si elle n’a pas fait taire la foule – l’encourageant au contraire à clamer sa haine –, Liz Cambage a mis tout le monde d’accord. Trente-trois points, quinze rebonds, quatre contres, deux passes décisives et l’addition, une victoire (72-66) hissant l’Australie en finale.

« La foule espagnole est folle de son pays, et je l’admire beaucoup, a souri la géante une fois la rencontre achevée. Mais je me nourris de ça. » Et de citer Kanye West : « Screams from the haters, got a nice ring to it/I guess every superhero need his theme music » (« Je me nourris des cris des haters/Je suppose que chaque superhéros a besoin d’un thème musical »). Embrassant le rôle de « bad girl », la jeune femme a soufflé sur les braises du public en feu, à force de gestes démonstratifs à chaque action réussie.

« J’aime me faire huer »

Au point de récolter une faute technique pour « avoir chambré le public » – qui clamait des « Beat Cambage » d’une sportivité relative – en fin de match. « J’aime me faire huer. Je ne sais pas si je dois aller consulter pour ça, a plaisanté Cambage. Depuis que je suis toute petite, les cris me motivent. Je suis une joueuse passionnée, et ils me poussent à me dépasser. » Le titre de la chanson de Kanye ? Power (pouvoir), comme une évidence.

Car Liz Cambage est une superpuissance. A 27 ans, la jeune femme dénote dans le basket au féminin par son gabarit. 2,03 mètres pour 100 kg. Ajoutez à cela une mobilité que l’on n’imaginerait pas, une technique sans faille et une belle vision du jeu, vous obtenez « une arme sur le parquet », selon la légende australienne Lauren Jackson.

Liz Cambage avance à pas de géante. / FIBA.com

« Vous avez bien vu comme elle tirait, comme elle nous contrait. C’est comme si elle jouait au mini-basket », a soufflé l’expérimentée espagnole Laia Palau, résumant l’impression de la semaine. Plusieurs intérieures espagnoles se sont frottées à la géante de l’île-continent, deux ont été renvoyées sur le banc (pour cinq fautes) et aucune n’a semblé en mesure d’interrompre son abattage. Au point que l’entraîneur espagnol, amer, s’est « félicité » d’avoir obligé Cambage à jouer trente minutes. « D’ordinaire, elle fait cette performance en vingt ».

Meilleure scoreuse (27,2 points par matchs), contreuse (2,4) et troisième rebondeuse (9,8) du tournoi, la numéro 8 australienne noircit cette feuille de stats en à peine plus de vingt minutes (quand un match en dure quarante). Et porte sur ses larges épaules le renouveau des Opals. « Liz continue de m’impressionner, s’exclame l’entraîneuse australienne Sandy Brondello. C’est la leader de l’équipe, et elle aime ces grands moments. Elle motive et encourage ses coéquipières, même quand on est menée, je suis vraiment chanceuse d’entraîner une telle joueuse. »

Elle fait le ménage partout

Force de la nature, Cambage lessive ses adversaires. « C’est la meilleure pivot du monde », assure Li Yueru, son adversaire chinoise qui du haut de son double mètre a paru minuscule face à la déferlante australienne en quarts. Opposée à deux – parfois trois – défenseurs, la native de Londres – de père nigérian et de mère australienne – trouve toujours une façon de s’en sortir. « Je peux un peu tricher du fait de ma taille », admet-elle. Et ses partenaires, une escouade de shooteuses et manieuses de ballon, en profitent. « Avoir quelqu’un d’aussi dominant dans la raquette nous fait un bien fou », souligne l’Australienne Sami Whitcomb.

Puissante et mobile, en attaque comme en défense, et évoquant le pivot Shaquille O’Neal – ultra-dominant en NBA dans les années 1990 et 2000 –, Liz Cambage a haché menu toutes les oppositions proposées. Face à la Chine, elle a fait le ménage. Et puisqu’elle mettait tout au propre, elle a aussi passé la serpillière après la chute d’une joueuse, amusant la galerie.

Une fois le parquet quitté, la guerrière australienne dévoile une personnalité attachante. Souriante, disponible pour les fans et la presse, elle propose systématiquement aux personnes l’interrompant pour une photo s’ils veulent figurer dessus avec elle – même quand il s’agit de journalistes en reportage. Emotive, elle se laisse parfois submerger, comme après la qualification en finale, quand elle confie en larmes « sentir un énorme poids en moins sur [ses] épaules ». Depuis son arrivée en équipe nationale, les Opals ne retrouvaient pas les sommets auxquels elles étaient habituées. « Je pensais que j’étais le chat noir de l’équipe, c’est dur, vous savez », explique la joueuse qui s’était mise au basket pour se faire des amies, car, l’une des deux seules enfants non-blancs de son école, elle peinait à trouver sa place. Même les superhéros ont des failles et des doutes.

Dimanche, ce sont les doubles tenantes du titre américaines qui se trouveront sur la route du joyau des Opals. Face à elle, Brittney Griner va devoir s’employer. D’un gabarit similaire (quoique un peu moins lourde), la pivot américaine est la seule joueuse à boxer dans la catégorie de l’Australienne. Et leurs affrontements en WNBA augurent d’une finale de haut vol.

Depuis des millénaires, le pic de Teide est le point culminant de Tenerife (3 715 mètres d’altitude). Si Liz Cambage remplit ses objectifs et parvient – avec l’aide de son équipe – à déboulonner les invincibles Américaines, dimanche, la « Montagne » Cambage pourra revendiquer ce titre.

Spain v Australia - Highlights - FIBA Women's Basketball World Cup 2018
Durée : 01:38