Tiger Woods, le visage des mauvais jours à Saint-Quentin-en-Yvelines, samedi 29 septembre. / Alastair Grant / AP

« Il est où, Tiger ? » Parmi le public du Golf national de Saint-Quentin-en-Yvelines, tout le monde le cherche. Tout le monde s’interroge, aussi. Pour son premier grand tournoi en France, la légende américaine du golf s’avançait en vedette. Mais, au second soir de la Ryder Cup 2018, Tiger Woods marche à petits pas. Visage las, la visière de sa casquette inclinée vers le green, le voilà avec trois défaites en autant de matchs : une le vendredi 28 septembre (en tandem avec son compatriote Reed), deux autres le samedi 29 (avec Reed, puis avec Dechambeau).

Pour Tiger Woods et la délégation américaine, il reste une occasion de se ressaisir : gagner son match en simple et rapporter enfin un point aux Etats-Unis, dimanche (à partir de 12 h 47), contre l’Espagnol Jon Rahm. L’affaire est urgente : l’Europe mène déjà 10-6 et se trouve à seulement 4,5 points de la victoire.

Là où le grand public attendait le quadragénaire dès vendredi et samedi, il a surtout découvert le duo européen qui, par trois fois, l’a battu : l’Italien Francesco Molinari, cheveux au vent, et l’Anglais Tommy Fleetwood. Trois défaites qui s’expliquent surtout par le niveau du duo Molinari-Fleetwood, estime le Français Raphaël Jacquelin, assistant de l’équipe européenne :

« Cette paire est imbattable, ils connaissent leur parcours comme leur poche. »

Mine des mauvais jours

Autre interprétation d’un spectateur attentif, Christophe Muniesa, directeur technique national (DTN) de la Fédération française de golf :

« Il y a chez Tiger Woods de la fatigue physique, il a tellement enchaîné de tournois… Puis, au-delà, il y a aussi une fatigue mentale, après avoir tellement donné pour remporter dimanche dernier sa 80e victoire sur le PGA Tour [le circuit américain]. Sa motivation légendaire en a pris un coup. »

Pour le DTN, le « Tigre » a bien attaqué chacun de ses matchs. Mais « il a eu de la difficulté à enchaîner les coups, il n’a pas réussi à tenir sur la longueur, tout en ayant déjà dû mettre beaucoup d’énergie. » Sous-entendu : ni son coéquipier Patrick Reed, puis Bryson DeChambeau n’ont semblé capable de se sublimer.

Il fallait voir Tiger Woods, la mine des mauvais jours, lors de sa troisième défaite de la semaine. Il fallait le voir, au septième trou, taper de dépit contre le sol. Le voir, encore, filer sans un mot ni un geste envers son jeune coéquipier, Bryson DeChambeau, de dix-sept ans son cadet. Le voir, enfin adresser un furtif salut au public, pourtant peu avare en « Come on Tiger ! » (« vas-y Tiger ! »).

Marchepied ou voiturette

L’Américain a pourtant pris le temps. Avant chaque tentative, plusieurs coups dans le vide pour bien prendre la mesure, une fois, deux fois, trois fois. Puis quelques pas autour de la balle. Devant, derrière, à côté, toujours histoire de jauger. Mais rien à faire après coup. Sinon regretter l’avance européenne, une main posée sur son club, une jambe en appui contre l’autre.

Autant Woods fut impassible, autant Molinari harangua le public, de la main et du swing. Certains suiveurs, plus statiques, ont pris place en tribune pour mieux les observer. D’autres ont joué les promeneurs. Le long des dix-huit trous de l’Albatros, une masse compacte et mouvante : de spectateurs qui suivent le duel par milliers, coup après coup, dans une impressionnante séance de marche collective.

A chaque trou du parcours, le même petit jeu entre spectateurs : trouver le meilleur interstice, entre une épaule à gauche, une casquette à droite, et trois téléphones qui filment juste au-dessus, pour distinguer le « Tigre » et ses compagnons de jeu. Quelques astuces pour prendre de la hauteur : repérer un coin vallonné, piquer le marchepied du voisin… ou la banquette vacante d’une voiturette (à louer contre 30 euros la journée)

Moralité, après deux jours : Tiger Woods a beau avoir le plus beau palmarès de tous les golfeurs en activité, la Ryder Cup se refuse toujours à lui. En huit participations, le « Tigre » cumule déjà dix-neuf défaites en double. Et il n’a pour l’instant soulevé qu’une fois le trophée doré. C’était en 1999, dans la banlieue de Boston. Une victoire (14,5 points, contre 13,5) sans dessus-dessous, alors même que les États-Unis semblaient perdus (6 points à 10) après deux jours. Exactement le retard que Woods et les siens observent à nouveau en cette édition 2018.