Charles Aznavour à l’AccorHotels Arena de Paris-Bercy, le 13 décembre 2017, à Paris. / ERIC FEFERBERG / AFP

Charles Aznavour, de son vrai nom Shahnourh Varenagh Aznavourian, est mort lundi 1er octobre, à l’âge de 94 ans, dans son appartement des Alpilles (Bouches-du-Rhône) ont annoncé ses attachées de presse. Pendant ses soixante-dix ans de carrière, Charles Aznavour a écrit plus de 1 400 chansons. Sur disque, il en a enregistré plus de 1 200, chantées dans huit langues différentes. Il a également joué dans plus de quatre-vingts films et téléfilms.

Charles Aznavour est né le 22 mai 1924, dans le 6e arrondissement de Paris, de deux réfugiés arméniens qui ont fui la Turquie. Huit ans après le génocide perpétré par l’empire ottoman, en 1915, les massacres contre les Arméniens reprennent en 1923. Le couple fuit alors vers la Grèce, puis décide de s’installer en France pour rejoindre Missak, ancien cuisinier du tsar, le grand-père paternel de Charles, qui a ouvert à Paris un restaurant, Le Caucase, rue Champollion à deux pas de La Sorbonne, fréquenté par la diaspora arménienne. Le père de Charles, Misha Aznavourian, y chante, quand sa mère, comédienne, joue ici ou là. Les enfants Aznavourian vivent ainsi entourés d’artistes.

Misha ouvre un café rue du Cardinal-Lemoine, en face de l’Ecole des enfants du spectacle. Charles y est inscrit. A l’âge de 9 ans, il prend pour nom de scène Aznavour et commence au Théâtre du Petit Monde une carrière de chanteur et de comédien.

Sa rencontre avec Pierre Roche

Bientôt la seconde guerre mondiale éclate. En 1941, il rencontre Pierre Roche, pianiste, compositeur et « directeur » de l’Ecole du music-hall, dont il devient l’ami et le complice. Ils forment le duo Roche et Aznavour. Charles commence à écrire des paroles de chansons que Roche met en musique. En 1946, la guerre achevée, il épouse Micheline Rugel et l’année suivante naît sa fille Séda. Il joue au cinéma dans Adieu chérie (1946), de Raymond Bernard.

Edith Piaf pose avec le compositeur français Michel Emer (à gauche), l’acteur américain Eddie Constantine (2e droite) et Charles Aznavour (à droite), en 1950 à Paris. / AFP

Cette même année, Charles Aznavour est remarqué par Edith Piaf, qui le convainc avec Roche de l’accompagner dans une tournée en France et aux Etats-Unis en 1947-1948. Entre 1948 et 1950, Roche et Aznavour enregistrent leurs premiers disques. Piaf convainc Aznavour de poursuivre une carrière solo. Il est séparé de sa femme et vit dans l’univers de la chanteuse comme homme à tout faire.

Pour la chanteuse, il adapte le titre américain Jezebel qui est un succès. Chez Piaf, il rencontre Gilbert Bécaud pour lequel il écrit plusieurs chansons entre 1950 et 1955. Il travaille aussi pour Juliette Gréco et lui écrit Je hais les dimanches. S’il s’impose par ses chansons dans l’univers musical du début des années 1950, il a plus de mal sur scène et pense à abandonner sa carrière. Mais en 1954, il sort ses premiers 45 tours, dont Sur ma vie, son premier grand succès. Sur le plan personnel, en 1956, il se remarie avec Evelyne Plessis.

Ses débuts au cinéma

Au tournant des années 1950-1960, il tourne dans plusieurs films remarquables, dont Tirez sur le pianiste, de François Truffaut, en 1960, ou Un taxi pour Tobrouk, de Denys de La Patellière (dialogues de Michel Audiard), sorti en 1961.

Charlie - Tirez Sur le Pianiste (1960)
Durée : 03:21

En 1960, a lieu une rencontre déterminante avec le compositeur américain d’origine arménienne, Georges Garvarentz. Les deux commencent une collaboration fructueuse et, au cours des années 1960, il enchaîne les tubes : Tu t’laisses aller (1960), Il faut savoir (1961), Les Comédiens (1962), La Mamma (1963), Et pourtant (1963), Que c’est triste Venise (1964), La Bohème (1965), et Désormais (1969). En pleine vague yé-yé, il écrit Retiens la nuit (1961) pour Johnny Hallyday, et La plus belle pour aller danser (1963) pour Sylvie Vartan.

En mars 1963, l’Amérique s’ouvre à lui avec une représentation unique au Carnegie Hall de New York. Connu aux Etats-Unis grâce à son rôle dans Tirez sur le pianiste, il y reviendra fréquemment. Ses chansons sont autant applaudies en français que dans leurs versions américaines, interprétées par les plus grands comme Frank Sinatra. En 1967, il épouse à Las Vegas la Suédoise Ulla Thorsell. Ils auront trois enfants – Katia (1969), Misha (1971) et Nicolas (1977).

Charles Aznavour - La Mamma(1963)
Durée : 03:44

Un intérêt pour les faits de société

Au début des années 1970, il rédige ses mémoires, Aznavour par Aznavour (Fayard). Ses chansons marquent alors un intérêt plus marqué‚ pour les faits de société‚ telles Le Temps des loups, en 1970, sur le thème de la violence, Mourir d’aimer, en 1971, inspiré d’un fait divers, ou encore Comme ils disent où il évoque l’homosexualité.

Ce succès est terni par une affaire d’évasion fiscale. En 1972, Charles Aznavour s’est exilé fiscalement à Crans-Montana, en Suisse. Il est inculpé de fraude et la procédure s’étend sur plusieurs années devant la justice française. En 1980, l’affaire s’achève par un non-lieu. Presque quarante ans plus tard, fin mars 2018, des éléments révélés par Le Soir et Médiapart ont permis de montrer comment un montage lui a permis de défiscaliser une grande partie de sa fortune, estimée à plus de 100 millions d’euros, grâce à une société au Luxembourg.

Charles Aznavour - Comme ils disent live 2015 HD
Durée : 04:27

En 1975, à l’occasion du 60e anniversaire du génocide arménien, il crée la chanson Ils sont tombés. Cette même année, il joue sous la direction de Claude Chabrol dans Folies bourgeoises et retrouvera le metteur en scène en 1983 pour Le Fantôme du Chapelier. En 1979, il tourne dans le film Le Tambour, de Volker Schlöndorff qui obtient, ex aequo avec Apocalypse Now, de Francis Coppola, la Palme d’or au Festival de Cannes.

L’Arménie et les tournées internationales

En décembre 1988, un tremblement de terre ravage l’Arménie (il fait près de 50 000 morts et des centaines de milliers de sans-abri). L’artiste se mobilise. Il crée sa fondation, Aznavour pour l’Arménie. Sa chanson Pour toi Arménie (1989), enregistrée avec la collaboration de plus de quatre-vingts artistes et avec le soutien du réalisateur Henri Verneuil, également d’origine arménienne (son vrai nom est Achod Malakian), se vend à un million d’exemplaires. A la suite de cette opération, Charles Aznavour est nommé ambassadeur permanent en Arménie par l’Unesco.

En avril 2002, il signe l’appel du Collectif Vive la France à venir « chanter la Marseillaise pour la République » et contre le leader d’extrême droite, le président du Front national, Jean-Marie Le Pen, qui accède au second tour de l’élection présidentielle. Cette année-là, il tient le rôle principal de son film le plus personnel : Ararat, d’Atom Egoyan, qui traite du génocide arménien.

Charles Aznavour pendant un concert, le 30 septembre 2006, à Erevan. / PATRICK KOVARIK / AFP

Si Charles Aznavour fait lentement ses adieux à la scène, il n’a pas encore décidé d’arrêter sa production discographique. Au mois d’octobre 2006, il s’envole pour Cuba enregistrer un nouvel album. Puis, en France, Colore ma vie sort en février 2007. Charles Aznavour y aborde le thème de la mort, parle d’immigration et d’intégration et, dans La Terre meurt, de la responsabilité de chacun en matière d’écologie.

Le 26 décembre 2008, le président de la République d’Arménie, Serge Sargsian, lui accorde la citoyenneté, puis devient en 2009 ambassadeur d’Arménie en Suisse. A l’automne 2009, il publie une autobiographie intimiste, intitulée A voix basse (Don Quichotte/Le Seuil).

Infatigable, il continue à donner des concerts à travers le monde, comme à Moscou en décembre 2011 ou à Los Angeles en avril 2012. En 2015 et 2016, on le retrouve au Palais des sports, et, en décembre 2017, à l’AccorHotels Arena de Paris-Bercy où il étonne par son aisance devant 20 000 spectateurs enthousiasmés.

Charles Aznavour, en quelques dates

22 mai 1924 Naissance à Paris.

1933 Débute dans de petits rôles au théâtre et au cinéma.

1942 Rencontre Pierre Roche qui met en musique ses textes.

1946 Rencontre Edith Piaf.

1948 Enregistre ses premiers disques.

1955 « Sur ma vie ».

1963 « La Mamma ». Triomphe à New York.

1964 « Que c’est triste Venise ».

1972 « Comme ils disent ».

1989 « Pour toi Arménie ».

2015 « Encores », dernier album.

1er octobre 2018 Mort à son domicile dans les Alpilles (Bouches-du-Rhône).