Trois ans après sa sortie, l’Apple Watch a beau être la montre intelligente la plus vendue, elle est loin d’avoir totalement convaincu le grand public : les iPhone se vendent encore dix fois mieux. De nombreux consommateurs continuent à se demander pourquoi adopter un écran de plus au poignet, et pourquoi payer pour cela la somme rondelette de plusieurs centaines d’euros.

Apple revient avec de nouveaux arguments pour tenter de convaincre. Sa Watch Series 4 commercialisée le 21 septembre (460 euros pour le modèle de base que nous testons ci-dessous) s’embellit d’un écran plus grand. Ses fonctionnalités de santé progressent. Elle peut désormais détecter les chutes et surveiller notre cœur. Mais est-ce bien efficace ?

Une esthétique plus séduisante

La nouvelle Watch intègre un écran 30 % plus grand dans un boîtier élargi de 2 millimètres, une croissance quasiment invisible. L’écran est un peu plus lisible, mais surtout bien plus beau, avec ses marges étroites et ses angles arrondis.

La Watch Series 4 profite de nouveaux cadrans pour afficher l’heure. Ils donnent à la Watch une personnalité plus affirmée, un atout qui manque à son esthétique globalement fonctionnaliste. Plusieurs écrans animés peuvent être affichés, dont les plus spectaculaires figurent des flammes, du métal liquide, ou de la vapeur. Des cadrans plus fonctionnels bardés d’informations peuvent également être choisis.

Des notifications accélérées

La Watch d’Apple duplique les notifications de votre smartphone sur votre poignet. Quand un texto arrive, deux secondes suffisent pour en prendre connaissance, contre cinq lorsque le mobile est en poche, ou dix au fond du sac.

Cette fonction est parfaitement superflue lorsqu’on vit à un rythme paisible. Mais lorsqu’on travaille constamment à plein régime, qu’on se déplace beaucoup, qu’on communique énormément, les notifications au poignet s’avèrent utiles. D’autant que les menus de la Watch 4 sont beaucoup plus réactifs que les menus anémiques de la première version de la montre d’Apple.

Grâce à son haut-parleur intégré, la Watch permet aussi de répondre aux appels téléphoniques et de communiquer par messages audio. C’est utile quand le smartphone est loin ou lorsqu’on veut échanger de façon ultrarapide.

Des progrès en sport

La Watch est compatible avec beaucoup de sports d’endurance, mais pas avec les sports d’adresse. / NICOLAS SIX / LE MONDE

En 2015, on avait laissé la toute première Watch avec une impression mitigée : trop peu de sports étaient convenablement traités, beaucoup ne disposaient pas d’un écran d’information dédié présentant des informations adaptées, comme le rythme cardiaque ou la distance parcourue par exemple. La liste des sports couverts s’est élargie :

  • 2015 : course, marche, vélo, rameur, vélo elliptique, stepper.
  • 2018 : fractionné, randonnée, yoga, nage.

Désormais, la Watch est censée détecter automatiquement le type d’activité qu’on a engagé, et proposer le démarrage du cadran de mesure. Mais en pratique, la détection prend de longues minutes, et pour de nombreux sports, elle ne fonctionne tout bonnement pas.

A qui se destinent les fonctions sportives de la Watch ? Toujours pas aux pratiquants des sports d’adresse comme le football ou le tennis. Elle cible plutôt les sports d’endurance, dans une optique d’amélioration des performances. Les coureurs en sont la première cible, ils profitent des mesures du GPS et du cardiofréquencemètre. L’écran d’information dédié aux coureurs inclut un nouvel indicateur : une estimation du temps total pour le kilomètre en cours.

La Watch demeure capable de diffuser de la musique (préalablement chargée dans sa mémoire de 8 Go) vers un casque Bluetooth, ce qui dispense d’emmener son smartphone lorsqu’on part courir ou pédaler. Elle peut désormais diffuser des podcasts. Toutes ces nouvelles fonctions ne sont pas spécifiques à la Watch Series 4, elles sont disponibles sur les Watch 1, 2 et 3 via mise à jour du logiciel central Watch OS.

Toujours un peu difficile d’usage

Les cadrans qui font leur apparition dans le nouveau logiciel central Watch OS 5 sont superbes. / NICOLAS SIX / LE MONDE

Les menus de la Watch demeurent incomparablement moins limpides que ceux d’un iPhone. Beaucoup d’utilisateurs peineront à se retrouver dans son carrousel de cadrans, son nuage d’applications, ses cascades de notifications, son panneau de réglages, et sa liste d’applications récentes. Cette profusion de menus se pilote avec deux boutons, plus quelques gestes tactiles, ainsi qu’une molette rotative.

Cette molette réserve une petite surprise : elle est désormais crantée, ce qui la rend plus confortable. Cette sensation n’est en réalité qu’une illusion troublante créée par un astucieux vibreur. Bluffant, mais cela n’aide que très modérément la navigation dans les menus.

Un coach de santé à l’américaine

La montre délivre des encouragements comme « on y croit  » ou «ne vous arrêtez pas là ». / NICOLAS SIX / LE MONDE

L’activité physique est bonne pour la santé, la Watch tente de nous encourager dans cette voie à grand renfort de pensée positive. Elle demande d’abord de fixer un objectif d’activité : faible, moyen ou élevé. Puis, elle surveille le temps que nous passons assis, debout, et à marcher. Elle décerne des médailles lorsqu’on dépasse ses objectifs, elle distille des encouragements type « on y croit » ou « ne vous arrêtez pas là ».

Elle adresse même des injonctions type « levez-vous », ou « respirez » qui incite à gonfler et vider ses poumons pendant une minute. Désormais, on peut aussi défier ses amis : c’est à celui qui aura l’activité la plus nourrie sur la semaine.

Certains acquéreurs de la Watch sont amusés, voire agacés, et désactivent cette fonction. D’autres se prennent totalement au jeu. Toutefois, ce coach de santé n’est pas une solution à chaque problème de santé. Les scientifiques ont des doutes sur la capacité des montres d’activité à faire maigrir ou à améliorer la qualité de sommeil.

La surveillance cardiaque en questions

L’électrocadiogramme de la Watch n’est pas encore activé : il faudra patienter de longs mois. / NICOLAS SIX / LE MONDE

La nouvelle Watch est loin de détecter toutes les maladies cardiaques, elle parvient à en signaler quelques-unes ; certaines formes d’arythmie ou de bradycardie. Selon les cardiologues que nous avons interrogés, il est probable qu’elle soit efficace dans certains cas, mais le temps seul nous en apportera la certitude.

Lire aussi : l’avis détaillé des trois cardiologues. : Apple Watch : une « note en bas de page de la prévention cardiovasculaire » ?

Les seniors sont la population cible naturelle de cette montre car ils présentent des risques cardiaques plus importants. Particulièrement les patients ayant des facteurs aggravants comme l’hypertension ou le tabagisme. Plus encore ceux dont le médecin soupçonne une fibrillation auriculaire, un trouble caractérisé par des battements rapides et irréguliers.

Malheureusement, les fonctions cardiaques de la Watch ne sont pas encore totalement opérationnelles. Le capteur de rythme cardiaque fonctionne, il mesure les battements du cœur toutes les 4 minutes environ, mais l’électrocardiogramme est désactivé. Or c’est justement cet outil qui diagnostique la fibrillation auriculaire. Apple attend l’avis de l’autorité sanitaire pour l’activer, cela devrait prendre six à douze mois.

L’électrocardiogramme est aussi capable de détecter un ralentissement inquiétant du cœur ou une accélération trop prononcée. La montre émet alors une alerte. Les Watch de deuxième et troisième générations en sont aussi capables, après mise à jour vers Watch OS 5. Reste à savoir comment les médecins réagiront à ce nouvel outil.

La détection des chutes

Cette fonction n’est pas activée mais on peut l’allumer manuellement. C’est le signe qu’Apple ne la juge pas utile pour tout le monde. Dans certains cas toutefois, elle s’active automatiquement : lorsqu’on renseigne son âge lors de l’installation de la montre, et qu’on entre dans la catégorie de seniors. Ça n’est pas un hasard : les chutes sont la première cause de mortalité accidentelle chez les seniors. D’autres personnes craignent tout particulièrement les chutes, comme les handicapés.

Nous avons essayé de déclencher cette alarme, en simulant des chutes lourdes par glissade arrière ou trébuchement avant, sans succès. Une étude d’Alpes Santé à Domicile pointe que d’autres bracelets détecteurs ne sentent pas toutes les chutes non plus. Mais si la Watch en détecte une partie, cela suffit à la rendre utile.

Peut-on équiper n’importe qui ? La Watch est plutôt destinée aux technophiles qui souhaitent l’adopter. Dans ce cas, elle fait un bon compagnon, qu’on recharge facilement grâce à sa base sans fil. La Watch est valorisante, un gros atout face aux bracelets de détection de chutes de Zcare, Vitalbase, ou Vivago par exemple, qui sont assez stigmatisants.

Il sera moins facile de convaincre les seniors technophobes de s’en équiper. Beaucoup trouveront la Watch compliquée, avec ses menus protéiformes et son minuscule écran, surtout ceux qui voient mal et dont les doigts sont émoussés. Sur ce plan, les appareils spécialisés concurrents sont beaucoup plus simples. Convaincre un senior sera souvent difficile. Selon un rapport d’Alpes Santé à Domicile, le déni du danger de chute est une résistance très courante.

En conclusion

Avec son prix salé, ses fonctionnalités de santé décevantes, et sa compatibilité incomplète avec certains sports, la Watch n’est pas beaucoup plus convaincante. Elle est encore loin d’être un appareil profitable à tous, comme peut l’être un smartphone. Cependant, quelques profils d’utilisateurs l’adopteront probablement avec bonheur :

  • Le senior ou le malade inquiet de sa santé. Même si la Watch est loin de détecter toutes les chutes et tous les problèmes cardiaques, elle en signale une petite partie, et protège donc modérément. Encore faut-il réussir à adopter ce petit appareil pas si simple.
  • L’adulte surmené. Il vit à un rythme intense, il est nomade, il pratique le sport dans une optique de performances. La Watch devrait rapidement devenir un bon auxiliaire.
  • L’amoureux de la technologie, de l’esthétique, de la créativité. Parce que la Watch est un produit admirablement pensé, que ses cadrans sont hypnotiques, et qu’on peut téléphoner depuis son poignet comme dans un film de science-fiction.
  • Le freak control qui surveille ses calories à la loupe, surtout s’il aime la pensée positive à l’américaine. L’ancien modèle de Watch peut ici suffire : elle coûte 130 euros de moins.