L’ex-ministre des affaires étrangères Boris Johnson, le 2 octobre à Birmingham / OLI SCARFF / AFP

Boris Johnson se verrait bien premier ministre à la place de Theresa May, mais il sait que les conservateurs réunis en congrès à Birmingham sont bien trop loyalistes pour aimer les coups d’Etat, surtout en plein sprint final des négociations sur le Brexit. Il lui reste sans doute assez de réalisme pour savoir que les députés conservateurs ne le soutiendraient pas. Dans un discours solennel prononcé mardi 2 octobre, l’ancien ministre des affaires étrangères a certes pilonné le « plan Chequers » sur le Brexit de Mme May, le qualifiant de « dangereux et instable » et affirmant qu’il ne correspond pas à « ce pour quoi nous avons voté ». Mais, à sa manière, allusive et humoristique, il ne s’est pas explicitement posé en recours. Se moquant de l’europhile ministre des finances Philip Hammond, qui a prédit que « Boris » ne deviendrait pas premier ministre, ce dernier a lancé : « C’est sa seule prédiction depuis longtemps qui s’approche de la vérité ».

M. Johnson n’est plus ministre et a perdu le droit de s’exprimer à la tribune du congrès. Mais son intervention, dans une salle de 1 500 places du centre de conférences de Birmingham, avait été préparée pour faire de l’ombre au congrès officiel et voler la vedette à la première ministre, qui doit le clôturer mercredi. Le trublion Boris a réussi à mobiliser son public, les militants faisant la queue pendant des heures pour ne pas manquer son discours, mais, plus sérieux qu’à son habitude, il n’a recueilli que des applaudissements polis.

« Il est temps de reprendre le contrôle »

Quelques heures avant le « discours événement » de M. Johnson, Theresa May avait d’ailleurs allumé des contre-feux en annonçant une réforme de la politique d’immigration pour l’après-Brexit. En menaçant de reléguer les Européens au même statut que les autres étrangers dans les procédures d’immigration et en annonçant la fin de l’entrée de travailleurs étrangers non qualifiés (souvent est-européens), la première ministre abattait franchement la carte « immigration » dans les négociations avec Bruxelles. Mais, en plein congrès de Birmingham, elle caressait aussi dans le sens du poil les plus radicaux des militants conservateurs, précisément le public de Boris Johnson : pour la première fois depuis « des décennies », a-t-elle proclamé, le Royaume-Uni va être un pays « qui contrôle et choisit ceux que nous voulons faire venir ici ».

« Soutenons Theresa May du mieux que nous pouvons ! », a lancé M. Johnson au terme d’une intervention qui condamnait en réalité, sans appel, les concessions faites par la première ministre à l’UE, et appelait les militants à « balancer à la poubelle » son « plan Chequers » (« Chuck Chequers »). Ce projet, adopté en juillet par le gouvernement, prévoit de conserver un accès au marché unique pour les marchandises, et non pour les services, tout en restreignant la libre circulation de la main-d’œuvre. Ce que refusent les capitales européennes.

Pour Boris Johnson, « il est vraiment temps de reprendre le contrôle et d’opérer la sortie élégante, honorable et reconnaissante pour laquelle le pays a voté » et de négocier un « super-accord de libre-échange » du même type que celui signé entre l’UE et le Canada. Alors que Mme May répète qu’il n’existe pas d’alternative à son « plan Chequers », même s’il a été refusé par l’UE, M. Johnson brandit la perspective d’un « no deal » – un échec des négociations qui verrait le retour des barrières douanières –, comme une perspective possible.

« Trahison » du Brexit

« Si nous trompons notre électorat, et le plan Chequers est bien une tromperie, cela ne fera qu’aggraver le sentiment de défiance » des électeurs, a-t-il ajouté, affirmant que le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP, extrême droite) et le Labour de Jeremy Corbyn en tireraient bénéfice. Pour l’ancien ministre, le plan Chequers revient à trahir le Brexit et, dans ce cas, « croyez-moi, le peuple de ce pays ne vous le pardonnera pas », a-t-il averti. Quant à l’hypothèse d’un second référendum, il la considère comme « désastreuse » pour la confiance de l’opinion à l’égard de la politique.

En appelant aux valeurs traditionnelles des tories – initiative individuelle, libre entreprise, faible intervention de l’Etat –, il a assuré que ces principes permettraient de régler les grands problèmes du pays comme le logement et les bas salaires. Sans la viser nommément, il a accusé Theresa May, non seulement de remettre en cause les « opportunités » du Brexit, mais de « singer » Jeremy Corbyn en prônant un certain degré d’intervention de l’Etat, elle qui défend – sans la mettre en œuvre – la présence des salariés dans les conseils d’administration des entreprises, et a annoncé un plafonnement des tarifs du gaz et de l’électricité.