Le texte avait fait l’objet d’un long débat et de plus de 5 500 amendements. Le projet de loi agriculture et alimentation, qui vise notamment à permettre aux agriculteurs d’être mieux rémunérés, a été adopté définitivement mardi 2 octobre par le Parlement.

Au total, 227 députés ont voté pour, 136 contre, et onze se sont abstenus. Tous les groupes d’opposition de droite comme de gauche ont voté contre ou se sont abstenus, dénonçant un texte « creux » et « une occasion manquée ».

« Nous avons inscrit dans la loi des mesures fortes pour réformer en profondeur le modèle agricole et alimentaire français », a plaidé le rapporteur du texte, le député (La République en marche) de la Creuse Jean-Baptiste Moreau. Certains fustigent un texte trop timide sur la défense de l’environnement, tandis que d’autres le jugent trop contraignant pour les paysans. « Ce texte est bien en deçà de nos espérances », a déploré le député LR de l’Aveyron Arnaud Viala, estimant que « les agriculteurs ont trop souvent été désignés comme des pollueurs et des empoisonneurs ».

« Politicard de première »

Issu des états généraux de l’alimentation, le projet de loi dit « Egalim » entend rééquilibrer les relations commerciales entre agriculteurs, transformateurs et distributeurs, et mettre fin à une guerre de prix mortifère pour toute la filière.

Pour y parvenir, le gouvernement propose l’inversion de la construction des tarifs en partant des coûts pesant sur les agriculteurs, ce qui induit la création d’indicateurs de prix. Ceux-ci seront fixés par les organisations interprofessionnelles, ce qui déçoit les syndicats agricoles. Toutes les filières ne se sont pas encore mises d’accord sur ces nouveaux barèmes, alors que les négociations commerciales avec les distributeurs commencent dans deux mois.

Les distributeurs auront également interdiction d’écouler leurs produits sous le prix d’achat au fournisseur majoré d’une marge de 10 %, et les rabais seront plafonnés à 34 % de la valeur finale d’un produit.

Ces deux mesures, qui feront l’objet d’un test d’une durée de deux ans, trouveront leur traduction dans une ordonnance permettant une entrée en vigueur au plus tard à la fin de novembre. « Le gouvernement restera attentif aux conditions de déroulement des négociations commerciales et mobilisera les dispositifs prévus par la loi pour contrôler et sanctionner les comportements abusifs », a promis, vendredi, le premier ministre, Edouard Philippe.

Mission de suivi sur le glyphosate

Les mécanismes ainsi créés suscitent le scepticisme des agriculteurs et l’ire de Michel-Edouard Leclerc, président du groupement de distributeurs portant son nom, selon qui le texte entraînera une hausse des prix sur des produits de grandes marques sans avoir aucun effet bénéfique pour les paysans. Le médiatique président de Leclerc a de nouveau développé son argumentaire, mardi, sur Franceinfo en attaquant au passage Stéphane Travert, qu’il a qualifié de « politicard de première ».

Autre sujet clivant, jusqu’au sein de la majorité : le glyphosate. Les députés ont de nouveau refusé d’inscrire dans la loi interdisant l’herbicide controversé, dont le gouvernement a programmé la sortie à l’horizon 2020-2021 pour laisser aux agriculteurs le temps de s’adapter. Une mission de suivi sur ce sujet brûlant a été mise en place la semaine dernière à l’Assemblée.

Généraliser les « doggy bags »

Le projet de Loi Egalim s’intéresse aussi au contenu des assiettes en fixant l’objectif de 50 % de produits bio ou bénéficiant d’un label de qualité d’ici à 2022 dans la restauration collective. Il prévoit l’expérimentation du menu végétarien et l’interdiction des contenants alimentaires en plastique dans les cantines. Est aussi prévu un meilleur étiquetage indiquant le pays d’origine des vins et des miels mélangés.

En matière de bien-être animal, les députés ont doublé les sanctions encourues en cas de mauvais traitements, lancé l’expérimentation du contrôle vidéo dans les abattoirs et interdit l’installation de nouveaux élevages de poules en cage.

Pour mieux lutter contre le gaspillage, les parlementaires veulent généraliser à partir de 2021 les doggy bags, les contenants servant à emporter les restes au restaurant. Les objets à usage unique en matière plastique (pailles, touillettes, couverts, couvercles, plateaux-repas, boîtes, pots à glace, etc.) seront, quant à eux, interdits au 1er janvier 2020.