A Paris, en juin 2014. / ERIC PIERMONT / AFP

« Nous sommes en train de créer un Airbus du transport de personnes. » Cette sortie est signée Ludger Rethmann, l’homme qui s’apprête à remplacer Veolia au capital de Transdev. Un rien présomptueuse à ce stade, la formule a le mérite de résumer la philosophie de l’accord, officialisé mardi 2 octobre. Si le groupe familial allemand Rethmann a conclu un partenariat avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC) pour reprendre les 30 % de Transdev détenus par Veolia, c’est bien pour faire du français un champion européen de la mobilité.

« Nous sommes très heureux de devenir un partenaire de la CDC pour accompagner le développement industriel de Transdev », a déclaré au Monde M. Rethmann, membre, avec ses quatre frères, du conseil d’administration du conglomérat situé à Selm (Rhénanie-du-Nord-Westphalie). Rethmann, inconnu en France, ce sont 72 000 employés, 14,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires et trois métiers : la logistique et les transports (filiale Rhenus), l’eau et le recyclage pour les collectivités (Remondis), les biotechnologies (Saria). Et pas un centime de capital en dehors des mains de la famille.

Le prix payé par le groupe à Veolia, vendeur de son activité transports depuis 2011, relève du secret. Mais il dépasse, selon Ludger Rethmann, les 330 millions d’euros. Ce montant correspond au tiers de la valorisation de Transdev (1,1 milliard d’euros), rendue publique en 2016, lorsque la CDC avait acquis 20 % de Transdev auprès de Veolia.

Tout le contraire d’un fonds d’investissement

« Nous allons intégrer dans Transdev notre activité de bus, trams et trains, connue en Allemagne sous la marque Rhenus Veniro, soit 130 millions d’euros de chiffre d’affaires, ajoute M. Rethmann. En échange, nous recevrons 4 % supplémentaires de Transdev, grâce à une augmentation de capital qui nous est réservée. Au terme de l’opération, nous posséderons donc 34 % de Transdev et la CDC restera actionnaire majoritaire avec 66 %. »

Rethmann aura trois représentants, sur onze membres, au conseil d’administration de l’opérateur de transport. Pour être définitif, le rachat doit être validé par les instances du personnel et les autorités de la concurrence. « Nous pensons que l’opération sera bouclée fin 2018, début 2019 », dit-on chez Transdev.

Quel peut être l’intérêt stratégique pour Rethmann de venir au capital de Transdev ? A coup sûr, de faire de la mobilité des personnes un quatrième métier pour Rethmann, qui sera exercé au travers de Transdev. « C’est, pour nous, une magnifique occasion de faire un grand pas en avant dans cette activité de transport de personnes, assure Ludger Rethmann, qui, en échange, garantit apporter de la stabilité à son nouveau poulain. Nous sommes une entreprise à capitaux familiaux, tout le contraire d’un fonds d’investissement. Nous ne cherchons pas à récupérer d’abord des dividendes. Nous allons faire profiter Transdev de nos contacts pour assurer son développement. Notre priorité, c’est la croissance. »

« Accélérer à l’international »

« Nous avons affaire à un vrai industriel, confirme Thierry Mallet, PDG de Transdev. Nos échanges avec eux ne sont pas des discussions de financiers, mais d’opérationnels. Nous parlons synergies commerciales, projets technologiques communs dans le véhicule autonome, solutions numériques. Et puis, nous allons pouvoir accélérer à l’international, qui représente déjà 60 % de notre chiffre d’affaires. Nous pouvons espérer de la croissance rapide en Allemagne, dans les pays de l’Est, où Rethmann est très présent, en Australie, qui est un marché très important pour nous. »

Avec l’apport de Rhenus Veniro, Transdev Allemagne pèse 1 milliard d’euros et devient quasiment la deuxième source de revenus du groupe français, derrière l’Hexagone et au coude-à-coude avec les Etats-Unis. « Si vous regardez l’ouverture du rail allemand, Transdev a fait un travail remarquable, ajoute M. Rethmann. Il faut continuer. Ce serait formidable si Transdev parvenait à générer, en Allemagne comme en France, 2,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires ! » Etre une entreprise familiale n’empêche pas le nouvel actionnaire de mettre gentiment la pression.