Le circuit de Suzuka, où se court le Grand Prix du Japon, le 7 octobre. / TORU HANAI / REUTERS

« Il va falloir faire le dos rond. » Dimanche 30 septembre sur Canal+, à l’issue d’un Grand Prix de Russie vierge de point pour Renault Sport F1, Alain Prost, consultant spécial de l’écurie française, semblait résigné. Alors qu’il reste cinq grands prix à courir avant la fin de la saison de formule 1, Renault Sport F1 a d’ores et déjà « tiré le rideau » sur cette dernière, ou presque. « Nous ne sommes pas au niveau où nous devrions être. Nous régressons même dans certains domaines, alors que les autres ont bien avancé sur les moteurs », a ajouté l’ex-quadruple champion du monde, précisant que Renault Sport F1 ne compte « plus apporter beaucoup d’évolutions sur la voiture et le moteur » d’ici à la fin de la saison.

Deux jours après ces déclarations, Alain Prost, mobilisé sur le stand du Losange au Mondial de l’auto à Paris, atténuait un peu ses propos : « Ah bon, j’ai dit ça ? », feignait-il d’interroger, tout en déclarant : « On n’est pas au niveau des meilleurs. Mais on va le devenir, dès l’année prochaine. » Oubliée dès à présent la saison 2018, l’écurie et ses équipes ont donc choisi de se concentrer d’ores et déjà sur l’année prochaine.

La fougue de Max Verstappen

L’objectif de 2019 reste le même que celui non atteint cette saison : que l’un des pilotes de l’écurie réussisse à monter sur une des marches du podium en finissant au moins 3e d’une course. C’est ce qui avait été défini dans l’échéancier de mars 2016, date du grand retour de Renault comme constructeur en F1.

A la veille du Grand Prix de Japon, dimanche 7 octobre, Renault figure au 4e rang du classement des constructeurs et ses pilotes Nico Hülkenberg et Carlos Sainz sont respectivement classés 8e et 12e.

L’amélioration du moteur constitue le premier défi à relever. Contrairement à ce que l’écurie française claironnait en août – « le moteur est assez bon pour placer la voiture en pôle, gagner des courses et jouer le titre » – le bloc propulseur connaît des difficultés, pointées régulièrement, et en public, par le pilote de l’écurie Red Bull, Max Verstappen, qui accuse son motoriste Renault de manquer soit de fiabilité soit de performance.

Red Bull s’est vu infliger une lourde pénalité le week-end dernier à Sotchi (Russie), pour avoir changé une fois de trop de groupe propulseur, reléguant Max Verstappen à la 19e position sur la grille de départ. Furieux, le pilote a réagi avec talent, pour s’offrir, le jour de ses 21 ans, une remontée à la 5e place à l’arrivée. « J’exige beaucoup du bloc [moteur], mais je suis ici pour gagner. Je ne suis pas là pour finir 7e comme eux [classement alors de Nico Hülkenberg] », a-t-il lancé à l’arrivée.

Jérôme Stoll, président de Renault Sport F1, temporise : « Verstappen est extrêmement brillant mais il a la fougue de la jeunesse, y compris dans l’expression, et de temps en temps il faut lui dire “On se calme”. »

Chez Red Bull, la patience n’est toutefois plus à l’ordre du jour : en 2019, l’écurie sera motorisée par Honda. Pour sa part, Renault espère que ses ingénieurs auront enfin trouvé la bonne formule puissance-fiabilité pour ses moteurs.

« Trouvez-moi un pilote chinois ! »

Pour motiver ses équipes de recherche et développement, Jérôme Stoll table sur sa dernière recrue, le pilote Daniel Ricciardo, qui arrivera à partir de 2019 au côté de Nico Hülkenberg. Avec sept victoires au compteur, le souriant Australien de 29 ans a démontré qu’il connaissait le chemin des podiums (29 fois). Ce palmarès, il aura à cœur de l’étoffer. « Et c’est très bien, enchaîne M. Stoll. Il nous oblige à plus de performance et d’exigence. »

Faire venir un tel pilote n’a pas été facile. Il a fallu mettre le prix. « Cela s’appelle un impact budgétaire ! », rectifie le président de Renault Sport F1. Sans dévoiler le montant du transfert, il précise avoir payé « au prix du marché » : « On a fait une offre il y a quelques mois. On a maintenu cette offre et à la fin, il l’a acceptée. »

Le recrutement de Daniel Ricciardo « a été privilégié, car on devait avoir un pilote de premier rang », justifie Jérôme Stoll. En signant l’Australien, Renault a exclu le jeune pilote français Esteban Ocon, au terme d’un mercato estival complexe. « On fixe différents scénarios, explique Jérôme Stoll. Ricciardo, Ocon, [Carlos] Sainz étaient dans la short list. Après, il fallait étudier les possibilités. Sainz était rattaché à Red Bull, Ocon à Mercedes… »

Renault Sport F1 n’a pas été seule pour prendre les décisions. Entité de l’Alliance (ce partenariat automobile franco-japonais qui réunit Renault-Nissan-Mitsubichi), dirigée par Carlos Ghosn, elle doit rendre des comptes. « Le budget de la F1, chez Renault, est géré par la direction du marketing. Pas par la direction de l’ingénierie [recherche et développement], précise M. Stoll. C’est un investissement. En contrepartie, la direction attend un retour d’image, un retour marketing. Et de monter sur le podium. »

Et qu’importe la nationalité du pilote : « Carlos Ghosn me dit toujours : “Trouvez-moi un pilote chinois !” », ce qui serait excellent pour asseoir la stratégie de développement de la marque Renault en Chine. « La priorité, martèle M. Stoll, c’est le podium. Après le reste se décline. »

Des idées pour améliorer l’image et l’attractivité de la F1

Avoir pour ambition de se positionner parmi les grandes écuries de Formule 1 implique de prendre part au débat qui mènera à la réforme de la compétition reine du sport automobile en 2021, année où les actuels accords-cadres sur la redistribution aux écuries des produits commerciaux arrivent à échéance.

Les dirigeants de Renault Sport ont quelques idées quant à l’amélioration de l’image et de l’attractivité du championnat. Sur la durée de la course par exemple : certains proposent de la ramener de cent dix minutes à quarante-cinq minutes, comme un Grand Prix Moto.

Jérôme Stoll, président de Renault Sport F1 dit « préférer cinquante minutes de compétition à une heure et demie d’ennui ». Son consultant, Alain Prost, privilégie toutefois le maintien du format actuel. Mais, pour M. Stoll, « le vrai sujet est ailleurs ». Selon lui, « ce sont les réglementations qui limitent le spectacle » : et de citer le nombre de blocs propulseurs autorisés par saison, l’utilisation contingentée des pneumatiques, la gestion de l’essence, la part accordée à l’aérodynamisme.