Mike Pence, le 4 octobre 2018 à Washington. / JACQUELYN MARTIN / AP

Les autorités chinoises auraient-elles été prises de court par le discours extrêmement virulent à leur égard du vice-président américain Mike Pence jeudi 4 octobre à Washington ? La « une » de la première édition du China Daily, ce quotidien de l’Etat chinois en langue anglaise vendu vendredi, se veut rassurante : un expert travaillant pour le gouvernement, Long Guoqiang, estime qu’« à long terme, les liens sino-américains sont prometteurs » en raison de la « complémentarité de leurs économies ».

Quelques heures après, changement de ton dans la version destinée aux Etats-Unis : « La Chine juge ridicules les accusations d’ingérence » titre cette fois le quotidien après le discours de Mike Pence accusant Pékin de s’ingérer dans la campagne électorale des élections à mi-mandat.

« La Chine suit toujours le principe de non-interférence dans les affaires internes des autres et nous n’avons aucun intérêt à nous ingérer dans les affaires internes et les élections américaines », a réagi Hua Chunying, porte-parole du ministère des affaires étrangères chinois. Alors que la Chine est en vacances pour cause de fête nationale, le ton de Pékin se veut plutôt conciliant. La porte-parole du ministère souhaite que les Etats-Unis « prennent des actions concrètes pour maintenir le développement sain et régulier des relations sino-américaines », poursuit-elle. La veille, l’ambassadeur chinois aux Etats-Unis, Cui Tiankai, s’était lui aussi voulu modéré : « Nous sommes prêts à faire un accord. Nous sommes prêts à faire un compromis, mais il faut de la bonne volonté des deux parties », affirmait-il, limitant ses propos à la guerre commerciale.

Bientôt des restrictions dans les universités ?

Une pondération décalée par rapport aux attaques américaines. Depuis quelques semaines, pas un jour ne se passe sans que les Etats-Unis mettent en cause un aspect de la politique de la Chine qualifiée d’« adversaire stratégique » par le Pentagone et la Maison Blanche. Comme l’a confirmé le discours de Mike Pence, les Etats-Unis critiquent non seulement le modèle économique chinois mais aussi sa diplomatie, les nouvelles routes de la soie, ainsi que sa politique à l’égard de Taïwan et ses revendications territoriales en mer de Chine du Sud. Washington a même sanctionné à la fin de septembre un militaire chinois, responsable juridique des achats par la Chine d’avions de combat russes. Ce serait la première fois que les Etats-Unis ne se contentent pas de sanctionner la Russie pour ses ventes d’armes mais un de ses clients. Une démarche qui a semble-t-il profondément humilié Pékin. Enfin, malgré son peu d’empressement à soutenir habituellement les musulmans, l’administration Trump en vient même à dénoncer le sort que la Chine réserve aux Ouïgours dans le Xinjiang.

Si la Chine semble éviter de jeter de l’huile sur le feu, sans doute consciente du bénéfice électoral que pourrait en tirer Donald Trump, elle ne peut se laisser humilier. Dimanche 30 septembre, un navire de guerre chinois s’est rapproché « dangereusement » d’un destroyer américain dans les eaux disputées de la mer de Chine méridionale, contraignant le contre-torpilleur à modifier sa trajectoire, d’après les Etats-Unis. Or Washington envisage, selon CNN, d’y mener pendant une semaine en novembre « une série d’exercices hautement ciblés, impliquant des navires de guerre américains, des avions de combat et des troupes afin de démontrer que les Etats-Unis peuvent contrer rapidement des adversaires potentiels sur plusieurs fronts ». Des exercices face auxquels le président chinois, Xi Jinping, chef des armées, pourrait difficilement rester sans réagir.

Enfin, alors que les Etats-Unis ne cessent d’accuser la Chine d’espionner leurs entreprises, certains faucons de l’administration américaine auraient envisagé d’interdire l’accès des universités américaines aux étudiants chinois. Actuellement, plus de 300 000 Chinois étudient aux Etats-Unis. Sans aller aussi loin, des restrictions pourraient être mises en place dans les écoles d’ingénieurs ou les universités scientifiques. Une décision qui pourrait provoquer avoir un impact important pour les familles chinoises, notamment les plus aisées, pour lesquelles l’envoi de leur enfant aux Etats-Unis apparaît jusqu’ici comme le plus sûr moyen d’assurer sa réussite sociale et professionnelle. Ces familles en voudraient-elles alors à Donald Trump ou à Xi Jinping ? Loin d’être évidente la réponse à cette question est essentielle pour le pouvoir chinois.