Arte Radio, à la demande, série documentaire

Il y a un an, le 4 octobre 2017, Charlotte Bienaimé lançait une émission mensuelle, Un podcast à soi, sur Arte Radio. Des documentaires sonores tissés de récits intimes, de paroles d’expert(e)s, de textes littéraires et de réflexions personnelles pour donner à entendre ce que vivent les femmes et s’interroger sur l’égalité entre les sexes. Le lendemain de la création de cette émission – préparée entre juillet et septembre 2017 – éclatait l’affaire Weinstein, suivie du mouvement #metoo.

Un an plus tard, dans sa dernière production, mise en ligne mercredi 3 octobre, Charlotte Bienaimé (35 ans) dresse une forme de bilan. « J’ai l’impression que maintenant, lorsque je parle de violences, on m’écoute un peu plus, qu’on lève moins les yeux au ciel, qu’on soupire moins fort. Mais, avec #metoo, j’entends souvent, aussi, des reproches du genre Pourquoi n’ont-elles pas porté plainte ?” C’est de cela que j’aimerais vous parler aujourd’hui, parce que, au-delà de ma sidération face aux reproches adressés à ces femmes qui osent parler, j’ai eu envie de répondre, ou plutôt de m’interroger autrement. »

Au-delà du témoignage de victimes de violences confrontées à l’indifférence policière et judiciaire, Charlotte Bienaimé donne ainsi la parole à des chercheuses et des militantes qui, travaillant sur la notion de consentement ou la définition du viol, élaborent une critique féministe du droit et dessinent des pistes afin que lois et comportements évoluent.

« Sexisme » et non « misogynie »

Pour autant, Un podcast à soi peut aussi bien aborder les enjeux actuels de la masculinité ou de la grossophobie, que la vie des nounous et travailleuses domestiques, le féminisme des femmes noires ou la lutte sociale de femmes à Carrefour et dans l’histoire. Le premier volet de l’émission, par exemple, intitulé « Sexisme ordinaire en milieu tempéré », livrait le récit de jeunes cadres victimes de harcèlement sexiste. Ce qui donnait l’occasion à Brigitte Grésy, qui fut membre du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, d’apporter une précision sémantique. « Misogynie fleure bon l’étymologie grecque, notait-elle. Ce qui fait que c’est tout de même assez distingué. Le sexisme, ça appelle les choses par leur nom. Comme le racisme. Le sexisme désigne des actes prohibés, c’est-à-dire les actes qui ont pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d’une personne ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. » Une définition qui, introduite dans le code du travail en 2015 et donnant un nom à un certain type d’agissements, a mieux permis de les identifier, de les quantifier et de les combattre, ajoutait Brigitte Grésy.

Cela fait déjà quelques années que Charlotte Bienaimé mène un travail de fond sur les formes que peut prendre le féminisme. France Culture lui a d’ailleurs confié la création d’une « Grande traversée », cet été, diffusée du 22 au 26 août : Women’s Power, les nouveaux féminismes. Or, elle qui a demandé à chacune des jeunes femmes qui se battent pour leurs droits pourquoi elles étaient devenues féministes s’il y avait eu un déclic, avoue avec sincérité, en ouverture d’« Un podcast à soi » : « Je ne sais pas si je pourrais moi-même répondre à cette question. J’y réfléchis encore. Ce que je sais, c’est que le féminisme est devenu comme une évidence. »

Un podcast à soi, émission produite par Charlotte Bienaimé et mixée par Samuel Hirsch (11 épisodes, entre 30 minutes et une heure).