Muhammadu Buhari (à gauche) et Atiku Abubakar lors d’une primaire de l’All Progressives Congress, à Lagos, en décembre 2014. / PIUS UTOMI EKPEI / AFP

C’est à Port Harcourt, capitale de l’Etat pétrolier de Rivers, que s’est joué, le week-end des 6 et 7 octobre, le casting de l’élection présidentielle nigériane de février 2019. Quelque 3 600 délégués venus des 36 Etats du Nigeria ont choisi le duelliste qui fera face au président Muhammadu Buhari, candidat à sa propre succession. Avec 1 532 voix, l’ancien vice-président Atiku Abubakar (1999-2007) a remporté la mise, sans grande surprise.

En fait, les douze candidats savaient la partie jouée d’avance étant donné la formidable capacité d’influence d’Atiku Abubakar. Actionnaire de la société de logistique pétrolière Intels, l’homme, qui compte parmi les plus grosses fortunes du pays, s’est lancé en politique après une longue et florissante carrière aux douanes nigérianes. Ce natif de l’Etat d’Adamawa, frontalier du Cameroun et violemment touché par les actions de Boko Haram depuis huit ans, se présente pour la quatrième fois au scrutin présidentiel – mais pour la première fois sous les couleurs du People’s Democratic Party (PDP).

Le candidat d’opposition n’est ni un idéologue, ni un homme de parti. En 2017, il n’avait pas hésité à quitter le parti du Buhari, l’All Progressives Congress (APC), après s’être convaincu qu’il n’avait pas la moindre chance d’en défendre les couleurs lors des élections de 2019. En fait, Abubakar représente assez fidèlement la politique nigériane, où les formations politiques sont moins des lieux de débats que des tremplins pour briguer des postes potentiellement juteux.

Maigre bilan économique

Côté stratégie, il veut miser sur son image d’homme d’affaires à succès pour attaquer le maigre bilan économique de Buhari. Le Nigeria a en effet connu pour la première fois depuis les années 1980 une croissance négative en 2016 (- 1,6 %), et même si la courbe s’est inversée en 2017 (0,8 %), il ne faudra pas tabler sur plus de 2 % cette année.

De leur côté, Buhari et son équipe devraient sans nul doute taper sur l’affairisme d’Abubakar et critiquer les méthodes du candidat pour s’enrichir. Chantre de la lutte anti-corruption via l’Economic and Financial Crimes Commission (EFCC), Buhari n’a pas obtenu dans ce domaine les résultats escomptés. Cette fois, le général devrait jouer la proximité avec le Nigérian moyen, plaidant qu’il ne s’est jamais enrichi aux dépens de l’Etat, contrairement aux businessmen qui usent de la politique pour leurs propres affaires… comme Abubakar.

Si pour le Nigérian de la rue, le choix du candidat du principal parti d’opposition dans le cadre d’une primaire reste anecdotique, c’est tout de même la marque d’un changement au sein d’un parti qui a longtemps privilégié le consensus pour choisir ses têtes d’affiche. La primaire ne change d’ailleurs pas tout, puisque la formule avantage encore largement les plus fortunés, qui, à l’instar d’Abubakar, ont les moyens d’influencer les votes.

Quant à l’APC, il a choisi de faire voter tous ses adhérents. Officiellement, 14,8 millions de votants auraient donné leur voix pour désigner Buhari. Un chiffre à peine inférieur aux 15,5 millions de voix obtenues par le président lors de son élection en 2015. Un décompte invérifiable, alors que le pays est connu pour ses taux de participation très faibles : seuls 16,9 % des plus de 18 ans s’étaient rendus aux urnes en 2015.