Ines Madrigal, la plaignante. / SERGIO PEREZ / REUTERS

Un obstétricien espagnol de 85 ans jugé à Madrid pour l’enlèvement d’un nouveau-né en 1969, dans le cadre du premier procès des « bébés volés » du franquisme, a été reconnu coupable, lundi 8 octobre, de tous les chefs d’inculpation retenus contre lui, mais a bénéficié de la prescription des faits. Dans sa décision, le tribunal madrilène dit « absoudre » Eduardo Vela, tout en le considérant « auteur de tous les délits », dont il était accusé.

Le parquet avait requis onze ans de prison à son encontre.

Eduardo Vela, considéré comme l’un des principaux acteurs du trafic d’enfants alors qu’il était obstétricien à la clinique San Ramon de Madrid, était accusé par Ines Madrigal, employée des chemins de fer de 49 ans, de l’avoir séparée de sa mère biologique et d’avoir falsifié son acte de naissance en juin 1969, pour la donner à Ines Perez, une femme stérile, avec la complicité d’un prêtre jésuite.

Selon le tribunal, il est « prouvé » que le docteur Vela a « certifié de sa main » qu’Ines Perez avait accouché d’une petite fille ce jour-là, « ce qui n’a jamais eu lieu ». Mais selon les juges, le délit le plus grave de « détention illégale », dont le délai de prescription est de dix ans, était déjà prescrit quand Ines Madrigal a déposé sa plainte en 2012.

30 000 enfants concernés selon le juge Garzon

Le procès avait débuté le 26 juin mais avait dû être reporté pour une deuxième journée d’audience début septembre, Eduardo Vela, qui se déplace en fauteuil roulant, ayant été admis aux urgences le 27 juin.

Durant l’instruction, le médecin avait reconnu avoir signé « sans regarder » le dossier médical précisant qu’il avait assisté à la naissance d’Ines Madrigal, mais il s’était rétracté durant le procès, affirmant ne pas reconnaître sa signature.

Il s’agissait du premier procès du scandale des « bébés volés », dans l’Espagne du général Franco (1939-1975), une pratique qui aurait perduré jusqu’en 1987. Les enfants étaient, souvent avec la complicité de l’Eglise catholique, retirés à leurs parents après l’accouchement, déclarés morts sans qu’on leur en fournisse la preuve et adoptés par des couples stériles, de préférence proches du régime « national catholique ».

Né pendant la répression qui a suivi la guerre civile (1936-1939) pour soustraire les enfants à des opposantes accusées de leur transmettre le « gène » du marxisme, le trafic a touché à partir des années 1950 des enfants nés hors mariage ou dans des familles pauvres ou très nombreuses. Il a ensuite perduré sous la démocratie, au moins jusqu’en 1987, cette fois uniquement pour des raisons financières.

Malgré l’ampleur du scandale, aucune des plus de 2 000 plaintes déposées selon les associations n’a abouti, souvent en raison de la prescription des faits.

Selon l’ancien magistrat Baltasar Garzon, 30 000 enfants auraient ainsi été confiés à leur naissance à des familles d’adoption sous le régime de Franco.