Milorad Dodik, à l’annonce de sa victoire depuis la ville de Banja Luka, au nord ouest de Sarajevo, le 7 octobre. / Darko Vojinovic / AP

Le nationaliste Milorad Dodik a emporté dimanche 7 octobre le siège réservé aux Serbes dans la présidence collégiale de Bosnie, charge qu’il partagera avec un Bosniaque et un Croate. Après une campagne menée sur une ligne communautaire, Milorad Dodik va coprésider un pays divisé, qu’il a qualifié par le passé de « pays raté » et qui n’est, à ses yeux, « pas un Etat ». Avec 55,15 % des voix, il devance son adversaire centriste Mladen Ivanic (41,98%), selon la commission électorale.

Le candidat du principal parti bosniaque (musulman), le SDA (conservateur), Sefik Dzaferovic, a remporté 37,9 % des voix bosniaques, après une campagne également menée sur une ligne identitaire. En revanche, chez les Croates, le candidat de la droite nationaliste, Dragan Covic (38,66 %), a été battu par le social-démocrate Zeljko Komsic (49,47 %).

La présidence collégiale est notamment en charge des politiques étrangère et de défense. Mais l’essentiel du pouvoir – comme la police, l’éducation ou la politique économique – est entre les mains des deux entités qui forment le pays, la République des Serbes de Bosnie (Republika Srpska) et la Fédération croato-musulmane.

Mais Milorad Dodik, qui dirige aussi la Republika Srpska depuis 2006, pourrait désormais utiliser sa nouvelle position pour « oeuvrer à la décomposition de la Bosnie », redoute l’analyste Tanja Topic. Dotées d’une grande autonomie, les deux entités sont reliées par un faible Etat central, incarné par la présidence collégiale tripartite.

Tractations compliquées

Les Bosniaques (musulmans) représentent plus de la moitié des 3,5 millions d’habitants, pour un tiers de Serbes (orthodoxes) et 15% de Croates (catholiques). Le vote de dimanche, qui s’est déroulé sans incident notable selon la commission électorale, était donc aussi complexe que des institutions dessinées selon des lignes identitaires après la guerre intercommunautaire de 1992 à 1995.

Et il pourrait être suivi par des mois de tractations tout aussi compliquées, pour former un gouvernement central qui doit comporter des représentants des trois « peuples constitutifs ». D’autant que plusieurs forces politiques, pourraient choisir de bloquer le processus.

C’est notamment le cas de la droite nationaliste croate, autour de Dragan Covic, qui réclame une entité propre pour les Croates. S’ils ont été battus pour la présidence, elle pourra s’appuyer sur ses députés.

Vingt-cinq ans après le conflit qui a fait environ 100 000 morts, plusieurs candidats ont encore joué sur la corde nationaliste, Milorad Dodik, Dragan Covic, mais aussi les prétendants bosniaques. Votant dans son village de Laktasi (nord), Milorad Dodik a expliqué dès dimanche qu’il exercerait sa charge « uniquement dans l’intérêt ou au profit de la Republika Srpska ».

Dans un rapport récent, l’ONG Transparency International détaillait les irrégularités électorales lors des élections locales de 2016, notamment la promesse d’embauche aux électeurs dans les entreprises publiques, tenues par les partis. Les listes électorales sont aussi sujettes à caution : elles comptent 3,3 millions d’électeurs, soit à peine moins que le nombre d’habitants, et un million de plus qu’en 2004. « Est-ce qu’on meurt dans ce pays? », ironise Amer Bekan, président d’un petit parti.