Des manifestants protestent contre l’immigration clandestine en provenance des Comores, devant le service des étrangers de la préfecture de Mayotte, le 25 septembre 2017. / ORNELLA LAMBERTI / AFP

Après plus de trois mois de blocage total – et six mois de fonctionnement perturbé –, le service des étrangers de la préfecture de Mayotte devrait rouvrir partiellement à partir de jeudi 11 octobre. Lundi, aux premières heures du jour, deux pelotons de gendarmes mobiles ont été déployés pour évacuer sans heurts les manifestants rassemblés devant le bâtiment préfectoral et qui en empêchaient l’accès depuis le 31 juillet pour protester contre l’immigration clandestine en provenance des Comores voisines.

« Cette situation ne pouvait pas perdurer, explique le préfet Dominique Sorain, joint par Le Monde. Pour des raisons de principe tenant au fonctionnement des services publics et pour des raisons humaines. Nous sommes allés au bout du dialogue avec les collectifs [qui soutiennent cette occupation]. J’ai décidé de faire lever le blocage. » Depuis, deux « dispositifs de retenue autonomes » – des murs de plexiglas – et des unités de gendarmerie ont été disposés de part et d’autre de la rue menant au bâtiment pour empêcher qu’un regroupement ne se reforme.

« Atteintes graves aux personnes »

Six mois de non-fonctionnement d’un service de l’Etat, une situation exceptionnelle aux conséquences graves sur le plan humain : perte de droit au séjour, d’accès aux soins, contrats de travail rompus, formations ou études interrompues du fait du non-traitement des demandes de renouvellement ou d’établissement de titres de séjour d’étrangers pas nécessairement comoriens ni en situation irrégulière. Fin septembre, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, avait estimé que « la fermeture du service des étrangers conduit à des atteintes graves aux personnes ».

Le préfet Sorain, de son côté, souligne que l’administration de l’Etat fait l’objet de 1 500 contentieux liés au non-traitement des dossiers depuis le début de l’année, qu’elle risque de perdre dans la plupart des cas, avec des astreintes pouvant aller de 50 à 70 euros par jour. En 2017, le service des étrangers de Mayotte avait traité, selon les chiffres de la préfecture, 16 799 demandes de renouvellement de titres de séjour. A la date du 1er juillet, seules 4 147 ont pu être traitées depuis le début de l’année. « Des milliers de dossiers sont actuellement en souffrance », déplore le préfet. Le service devrait donc rouvrir partiellement, sur convocation pour éviter l’engorgement, à partir de jeudi, pour traiter les cas prioritaires.

Le Collectif des citoyens et l’intersyndicale de Mayotte se sont pour leur part « indignés » de cette évacuation. « La seule expulsion ordonnée et mise en œuvre par le préfet Sorain aura été celle de Français, celle de manifestants pacifiques et désarmés, celle de femmes âgées qui exigent l’application du droit à Mayotte, déclarent-ils dans un communiqué. L’administration française ne peut pas continuer à alimenter la colonisation comorienne. »

« Sous-France »

« J’appelle à la responsabilité de tout le monde, réaffirme le préfet. Beaucoup a été fait depuis la crise du printemps et la mise en œuvre du plan de rattrapage. Nous avons mis des moyens supplémentaires en matière de sécurité, avec une baisse significative de la délinquance. En matière de lutte contre l’immigration clandestine, les effectifs de la police aux frontières ont été renforcés, des moyens supplémentaires déployés, deux intercepteurs neufs vont être mis en service en novembre. Nous agissons contre l’habitat illégal et pour le démantèlement des filières. »

Des engagements qui, aux yeux du collectif et de l’intersyndicale, n’ont pas grande valeur tant que continue l’arrivée quotidienne de kwassas (canots à moteur) chargés d’immigrés clandestins en provenance des Comores. Les négociations entre le gouvernement français et son homologue comorien traînent en longueur. Pour Estelle Youssouffa, une des porte-parole du collectif, « il n’y a pas de blocage diplomatique mais une logique du Quai d’Orsay qui vend Mayotte aux Comores ». « Paris a décidé qu’Azali Assoumani [le président comorien] était son partenaire, poursuit la journaliste. On ne va pas attendre tranquillement que Paris continue à nous vendre. » Mayotte, ce département « en sous-France », à des milliers de kilomètres de la métropole, est une poudrière sous la menace de la moindre étincelle.