Nikki Haley incarne à la fois le dédain de l’administration Trump pour les cadres multilatéraux traditionnels et son engagement sans précédent aux côtés d’Israël. / JONATHAN ERNST / REUTERS

Israël a toutes les raisons de regretter le départ annoncé de Nikki Haley : l’ambassadrice américaine aux Nations unies s’est imposée, dès ses premiers mois en poste, comme une avocate ardente des intérêts israéliens. Et ce au point d’être acclamée telle une vedette de variétés à la conférence de l’American Israel Public Affairs Committee (Aipac), le principal lobby pro-israélien aux Etats-Unis. En dehors de Donald Trump, aucune autre personnalité étrangère n’a été saluée avec une telle chaleur et une telle fréquence par Benyamin Nétanyahou depuis deux ans. Il avait notamment trouvé en elle une alliée dans sa dénonciation du régime iranien et de l’accord sur le nucléaire, conclu en 2015.

Nikki Haley incarne à la fois le dédain de l’administration Trump pour les cadres multilatéraux traditionnels et son engagement sans précédent aux côtés d’Israël. Mardi 9 octobre au soir, le chef du gouvernement a brièvement remercié l’ambassadrice américaine pour sa « lutte sans compromis contre l’hypocrisie à l’ONU », au nom de « la vérité et la justice » pour Israël.

Fin septembre, M. Nétanyahou saluait à New York « l’énergie, la motivation et l’esprit » dont Nikki Haley faisait preuve, avec Donald Trump, pour « rendre l’air respirable » dans les couloirs de l’institution. En mars, également à New York, le premier ministre israélien disait : « Nous l’appelons “la tornade Haley”. Elle fait un travail magnifique pour la vérité et pour la défense d’Israël, ici à l’ONU. » Il parlait alors d’un « tsunami d’air frais » déclenché par l’ambassadrice et Donald Trump dans les enceintes internationales.

Les colonies, les droits de l’homme, ambassade…

Nikki Haley a dénoncé à de multiples reprises le « harcèlement » et la « persécution » dont Israël serait victime à l’ONU, un phénomène illustré, selon elle, par un nombre extravagant de votes critiques contre l’Etat hébreu, et trop de tolérance à l’égard des violences commises par les Palestiniens. Pour elle, pas question de mettre en cause l’extension des colonies en Cisjordanie, ou le bilan sanglant des manifestations le long de la bande de Gaza depuis la fin mars (plus de 140 morts et 4 500 blessés par balles).

En revanche, elle a annoncé, en juin 2017, le retrait de son pays du Conseil pour les droits de l’homme de l’ONU, forum jugé systématiquement biaisé. L’ambassadrice a aussi défendu, au Conseil de sécurité, la décision de Donald Trump de reconnaître de façon unilatérale Jérusalem comme capitale d’Israël. « Nous mettrons nos ambassades où nous voudrons », a-t-elle répété mardi, à la Maison Blanche. Fin décembre 2017, devant l’Assemblée générale de l’ONU où était débattue la reconnaissance de Jérusalem, elle n’avait pas hésité à user de menaces, de façon peu diplomatique.

« Les Etats-Unis se souviendront de ce jour où ils ont été montrés du doigt pour être attaqués à l’Assemblée générale, pour le fait même d’avoir exercé nos droits comme nation souveraine. Nous nous en souviendrons lorsqu’on fera une nouvelle fois appel à nous pour la plus large contribution du monde à l’ONU. Et nous nous en souviendrons lorsque de si nombreux pays s’adresseront à nous, comme ils le font souvent, pour payer encore plus et pour utiliser notre influence dans leur intérêt. » Avec nous ou contre nous, en somme.

Le chantage par l’argent

En juin 2017, Nikki Haley s’était rendue en visite officielle en Israël. « Je lui ai dit que le temps était venu pour l’ONU de revoir l’existence continue de l’UNRWA [l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient] », avait expliqué M. Nétanyahou à ses ministres, le lendemain de son départ. Depuis longtemps, la droite israélienne avait dans son viseur la mission de l’ONU chargée des cinq millions de réfugiés palestiniens et de leurs descendants. Le conseil du premier ministre a porté. En janvier, Nikki Haley engageait la phase suivante de la stratégie américaine, consistant à pilonner les principes qui faisaient consensus depuis des décennies sur le conflit.

L’ambassadrice menaçait l’Autorité palestinienne et les Palestiniens d’assèchement financier. Les Etats-Unis décidaient en effet de mettre fin à leur contribution à l’UNRWA, dès lors que Mahmoud Abbas rejetait le rôle de médiateur traditionnel de Washington. « Nous voulons toujours beaucoup un processus de paix, et rien ne changera cela, déclarait-elle en janvier. Les Palestiniens doivent maintenant montrer au monde qu’ils veulent s’asseoir à la table. Pour l’heure, ils n’y viennent pas, mais ils demandent des aides. Nous ne donnons pas cette aide, nous allons nous assurer qu’ils s’assoient à la table et nous voulons que le processus de paix avance. » Ce chantage par l’argent s’est accéléré depuis, avec la fin des fonds américains versés à l’Autorité palestinienne.

Mais la ligne pro-israélienne de l’administration Trump ne se résume nullement à Nikki Haley. Les personnes chargées depuis deux ans de préparer le mystérieux plan « du siècle », prétendument en vue d’un règlement du conflit israélo-palestinien, apparaissent toutes comme pro-israéliennes. Il s’agit du gendre et conseiller du président, Jared Kushner – le « génie caché » selon Nikki Haley –, de l’avocat Jason Greenblatt et de l’ambassadeur américain en Israël, David Friedman, partisan de longue date des colonies.

Habile, charismatique, sachant conquérir un auditoire, l’ambassadrice américaine a su se faire un nom auprès du grand public, tout en n’étant qu’un rouage dans une équipe idéologiquement unie.