A la Halle Carpentier, en mai 2015. / KENZO TRIBOUILLARD / AFP

Les bruits de rebonds font écho aux crissements des chaussures, et aux cris des joueurs. Sur le terrain de la Halle Carpentier, dans le 13e arrondissement de Paris, l’entraîneur distille ses conseils à ses troupes. En cette fin du mois de septembre, le Paris Basketball accélère sa préparation. Vendredi 12 octobre, à Nantes, le club démarrera sa saison en Pro B, la seconde division du basket français. La première de son histoire.

A l’orée du mois juillet, le Paris Basketball n’existait pas. Depuis, David Kahn a lancé son ambitieux projet. Ancien dirigeant de NBA, l’Américain, « amoureux du basket européen depuis [ses] 20 ans », a choisi Paris pour créer un club visant, à terme, le plus haut niveau européen. « Le nom “Paris” est une marque mondiale, comme le basket, justifie-t-il. Et associer les deux est très puissant. »

L’homme d’affaires américain, ancien président des opérations basket des Minnesota Timberwolves, trouve une oreille attentive du côté de la Ligue nationale de basket (LNB), qui milite pour le développement de clubs dans les principales métropoles. Son président, Alain Béral, reconnaît avoir « aiguillé » David Kahn alors qu’il cherchait comment s’installer en France.

Après des tentatives de rachat avortées, tout s’accélère. L’Américain apprend – par Alain Béral – que la direction du Hyères Toulon Var Basket (HTV), en faillite, cherche un repreneur. Le règlement permettant à une équipe professionnelle de déménager, un accord de « cession des droits sportifs » est trouvé début juillet, puis entériné par la fédération. Dans le Var, les élus locaux, principaux pourvoyeurs de fonds du HTV, s’insurgent d’avoir « appris cette décision par la presse ».

« Tout à construire »

Il n’empêche, le projet de David Kahn est lancé, et l’investissement consenti (L’Equipe avance 350 000 euros plus 600 000 de remboursement des dettes du club varois) est important, mais « coûte moins cher que d’attendre deux ou trois saisons avec un effectif professionnel pour espérer monter en N1 puis en Pro B », souligne Jean-François Martins, adjoint aux sports à la Mairie de Paris. Désormais, Paris a un club en Pro B. Et tout à créer.

« C’est pas qu’on est partis d’une page blanche, il fallait carrément couper les arbres », image Romuald Coustre. De la charte graphique du club au matériel nécessaire à la communication sur les réseaux sociaux en passant, surtout, par l’effectif professionnel, « tout était à construire », explique le directeur général du club, qui a rejoint le projet début juillet. « C’est un défi en termes de timing, poursuit l’ancien manageur général du BCM Gravelines-Dunkerque. Parce que démarrer un club professionnel au 15 juillet, monter une équipe et être performant, c’est assez compliqué. »

N’attendez pas de ce deus ex machina américain qu’il promette monts et merveilles, et une équipe au budget d’Euroleague pour marcher sur la Pro B et accélérer les étapes. « Ce n’est pas le PSG du basket qu’on est en train de créer, insiste Jean-François Martins. On est sur un projet raisonnable, soutenable. » « Construire un club à partir de rien est un très long processus, reconnaît Kahn. Mais nous sommes déterminés à le faire de la bonne manière, lentement et avec soin. »

Sixième budget de Pro B, avec 2 356 000 euros, le Paris Basketball n’est pas mal loti, même s’il a dû faire son marché après tous les autres. D’où des objectifs réalistes pour commencer. « On va tenter de prendre nos marques et de se maintenir », insiste Mamoutou Diarra. Fraîchement retraité des parquets, ce basketteur parisien pur jus est la courroie de transmission entre la nouvelle structure et les précédentes.

La région parisienne est considérée par les dirigeants de la NBA comme le second bassin de recrutement mondial après les Etats-Unis, aussi les velléités d’y implanter un grand club ne datent pas de cette année. Du PSG Racing – membre du PSG Omnisports –, champion de France en 1997, à la scission du Paris-Levallois, en 2017, les projets se sont enchaînés. Le Qatar est pressenti, lors de son rachat du PSG, pour intégrer le Paris-Levallois à sa structure omnisports à l’instar du handball, mais « Nasser Al-Khelaïfi ne voulait pas », glisse Charles Biétry, ancien dirigeant du PSG Omnisports (version Canal).

Nouvelle arène de 7 500 places

« A chaque fois qu’il y avait un nouveau projet, c’était inachevé, relate Mamoutou Diarra, désormais directeur des opérations basket du nouveau club. C’est dommage, ça fait tache qu’il n’y ait pas de grand club à Paris. » Et d’insister sur le « vivier, inexploité » que représente sa ville, sur lequel le club entend surfer pour devenir, à terme, « une référence en matière de formation ». Si la région parisienne compte deux clubs en première division (Levallois et Nanterre), les dirigeants du basket français regrettaient l’absence d’une locomotive dans la capitale. Et désormais, celle-ci aura une gare.

« Je ne serais pas là s’il n’y avait pas la future arena », insiste David Kahn. Pour tous les observateurs, l’absence d’une salle adaptée au basket a précipité la chute des différentes tentatives de créer un grand club à Paris. « On jouait à Carpentier, à Coubertin, à Levallois, se souvient Charles Biétry. Et quand on a reçu Chicago et Jordan, on a été obligés de jouer à Bercy, ce n’est pas possible »

Depuis que Paris a obtenu les Jeux olympiques de 2024, cette nouvelle arène de 7 500 places, porte de La Chapelle, est assurée de voir le jour. « On était la seule capitale d’Europe à ne pas avoir de salle », constate Alain Béral, ravi qu’« un club de basket vienne y résider ». En attendant l’arrivée de cette enceinte – en 2022 –, le Paris Basketball évolue à la Halle Carpentier, réaménagée « à l’américaine », avec des sièges plus proches du terrain. Et espère y conquérir un public, première pierre de la construction du club.