L’avis du « Monde » – pourquoi pas

Le 27 octobre 2002, un séisme politique secoue le Brésil, puisqu’un candidat socialiste, Luiz Inácio Lula da Silva, dit « Lula », remporte l’élection présidentielle. Sept ans après la fin de son deuxième mandat, en 2011, l’ancien président est désormais incarcéré, l’élite économique du pays a pris sa revanche en destituant sa « remplaçante », Dilma Rousseff, et le candidat d’extrême droite, Jair Bolsonaro, est arrivé en tête, avec 46 % des voix, du premier tour de la présidentielle, dimanche 7 octobre. Domingo, troisième long-métrage de Fellipe Barbosa (né en 1980), coréalisé avec la documentariste et productrice Clara Linhart, entend remonter à la source de ce naufrage, le 1er janvier 2003, en imaginant le frisson d’angoisse qui a parcouru la haute bourgeoisie en ce jour d’investiture d’un président de gauche.

Dans une propriété du sud du pays, près de la frontière uruguayenne, on attend la venue de Laura (Itala Nandi), doyenne narcissique et diva peau de vache d’une riche famille réunie sur trois générations pour fêter à la fois le Nouvel An et un anniversaire. Entre la demeure décrépie et les vastes étendues du domaine alentour, un va-et-vient incessant des maîtres et des domestiques bruisse des retrouvailles de chacun, comme des préparatifs du barbecue dominical, puis de la fête qui doit battre son plein. Mais, sous l’oisive indolence et la désinvolture composée, refluent peu à peu les bouffées de ressentiment, l’hypocrisie, les coucheries diverses, la toxicomanie, la cruauté, les névroses, le mépris de classe (envers les employés de maison), entre autres turpitudes qui signalent la profonde corruption morale de cette classe dominante.

Mise en scène inconsistante

L’intérêt de Domingo tient, en premier lieu, à l’unité de temps et de lieu qui préside à la conduite du récit et nous propulse au cœur d’une famille qui se révèle au présent, promettant ainsi une belle disponibilité aux personnages. Mais très vite, le film bascule dans le registre d’une satire à gros traits et on comprend qu’on ne retrouvera pas ici ce qui faisait la beauté et l’intelligence des précédents films de Fellipe Barbosa (Casa Grande, 2014 et Gabriel et la montagne, 2017) : une finesse critique qui cernait les contradictions de ses protagonistes sans pour autant chercher à les condamner en bloc.

Ici, l’aigreur et la caricature hâtive semblent avoir pris le relais. Les personnages gesticulent comme des pantins et sont ­contraints d’affronter un panel si étendu de vicissitudes que leur accumulation finit par prendre un tour artificiel. L’investiture de Lula, retransmise à la radio ou à la télévision, n’est jamais qu’une toile de fond qui ne concerne pas directement les personnages, mais vise à servir le propos des cinéastes. Même la mise en scène paraît étonnamment inconsistante, au milieu de ce grand déballage où la caméra se contente seulement de débusquer les infamies de chacun et de distribuer les mauvais points. On misera donc plutôt sur les films suivants de ces jeunes cinéastes ayant ici cédé aux facilités d’un règlement de comptes.

DOMINGO - de Clara Linhart et Fellipe Barbosa - Bande Annonce VOST
Durée : 01:48

Film brésilien et français de Clara Linhart et Fellipe Barbosa (1 h 34). Sur le Web : www.condor-films.fr/film/domingo