Didier Deschamps, Franck Raviot (au centre) et Guy Stéphan, à Saint-Denis, avant le match France-Biélorussie qualificatif pour le Mondial 2018, le 10  octobre 2017. / FRANCK FIFE / AFP

Didier Deschamps a l’art de savoir bien s’entourer. Depuis son intronisation à la tête des Bleus, en 2012, le sélectionneur le plus capé de l’histoire du football français (85 rencontres dirigées à ce jour) s’appuie sur un noyau restreint de dix-huit collaborateurs triés sur le volet. C’est épaulé par ce staff dévoué et discret qu’il affrontera l’Islande, jeudi 11 octobre, à Guingamp (Côtes-d’Armor) en match amical, avant de défier l’Allemagne, cinq jours plus tard, au Stade de France, en Ligue des nations.

Homme de clan, Deschamps n’a eu qu’une exigence à sa nomination : conserver son fidèle adjoint et homme lige Guy Stéphan, avec lequel il a entraîné l’Olympique de Marseille (2009-2012) et décroché un titre de champion de France en 2010. Le duo a emmené l’équipe de France jusqu’au Graal en Russie. Les clichés des deux techniciens, extatiques avec le trophée de la Coupe du monde dans les mains, le 15 juillet, à Moscou, ont fait le tour du globe et nourri la légende d’un tandem soudé. Et après le titre mondial, si Deschamps a décidé d’entrouvrir un peu la porte au niveau des joueurs (le milieu Tanguy Ndombele fait sa première apparition, les défenseurs Lucas Digne, Mamadou Sakho et Kurt Zouma font leur retour), il joue plus que jamais la continuité et l’expérience au niveau de son staff.

« Autour de Didier, avec Didier, pour Didier »

Avec 111 « sélections », le « lieutenant » Stéphan, 61 ans, est la clé de voûte et le « coordinateur » d’un des staffs les plus expérimentés du football mondial. Seule l’équipe d’Allemagne de Joachim Löw, en poste depuis 2006 et sous contrat jusqu’en 2022, compte dans ses rangs des techniciens aussi chevronnés, comme l’ex-gardien Andreas Köpke ou l’ancien buteur Oliver Bierhoff.

Crâne glabre et regard bienveillant, Stéphan connaît bien les arcanes de la Fédération française de football (FFF) pour avoir remporté l’Euro 2000 en tant qu’adjoint… du sélectionneur Roger Lemerre (1998-2002). Ex-bras droit de Raymond Domenech et de Jean Tigana à l’Olympique lyonnais (1992-1995) et ancien sélectionneur du Sénégal (2003-2005), ce sexagénaire se pose en auxiliaire zélé de Deschamps, enclin à s’éclipser quand son patron supervise, sifflet au bec, les séances d’entraînement.

« Chacun est à sa place, c’est ça qui compte, explique l’adjoint du sélectionneur. Didier me demande souvent mon avis et j’argumente. Après, il prend la décision qu’il doit prendre. Cela devient alors la décision. Ce qui est important vis-à-vis des joueurs, c’est qu’il ne faut pas qu’il y ait l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette entre nous. Sinon, ils s’engouffrent dans la brèche. »

Avec 112 sélections, Franck Raviot, 45 ans, est le deuxième pilier du « gouvernement » Deschamps. Entraîneur des gardiens de but de l’équipe de France depuis 2010 et le court règne de Laurent Blanc, l’ex-portier du RC Lens et de Martigues prône une « absolue loyauté et intégrité intellectuelle envers le sélectionneur ». « Nous n’avons pas un staff pléthorique, mais nous avons un staff lié de manière très forte, complémentaire, autour de Didier, avec Didier, pour Didier », confiait-il avant la Coupe du monde.

Autre taulier du staff des Bleus, Thierry Marszalek, 51 ans, a vécu son sixième Mondial en Russie. A la tête du pôle audiovisuel de la FFF depuis 1997, l’analyste vidéo a été intégré à l’encadrement des Bleus lors de l’Euro 2000. Il avait commencé à faire des statistiques lors de l’Euro suédois de 1992, sous les ordres de Michel Platini, avant d’œuvrer pour Aimé Jacquet à partir de 1997. Cet « homme de l’ombre » autoproclamé a gagné la confiance de Deschamps lorsque ce dernier était encore le capitaine des Bleus.

Le commandant Mohamed Sanhadji s’est lui aussi mis le sélectionneur et les joueurs dans la poche. Officier de liaison et de sécurité de l’équipe de France depuis 2004, cet ancien casque bleu en ex-Yougoslavie organise les déplacements en relation avec les forces de l’ordre. La cellule médicale, dirigée depuis 2012 par le docteur Franck Le Gall, praticien auprès de l’Olympique de Marseille, compte également des éléments expérimentés comme l’ostéopathe Jean-Yves Vandewalle ou le kiné Christophe Geoffroy.

« Alors que la plupart des joueurs n’avaient jamais disputé une Coupe du monde ou un Euro, il y avait un staff très expérimenté en Russie, observe Guy Stéphan. Cette expérience a servi en ce qui concernait l’animation du camp de base, nos déplacements, la préparation des matchs, des entraînements, la connaissance des règlements. On avait la sensation d’être plus rodés qu’il y a deux ans, à l’Euro. C’est un staff qui a l’habitude de travailler ensemble à 90 %. Cela fait sa force. »

« Le staff est constitué de personnes pragmatiques et compétentes, centrées sur des choses utiles, qui ne perdent pas d’énergie, avec des convictions, un savoir- faire, un savoir-être », ajoute le préparateur physique, Grégory Dupont, l’un des nouveaux de l’encadrement. Passé par Lille et le Celtic Glasgow, ce spécialiste de la performance a été rattaché à la direction technique nationale de la FFF et a succédé, en janvier, au Bordelais Eric Bédouet.

Chef de meute aux petits soins

S’il donne l’impression de diriger son staff d’une main de fer, Deschamps fonde ses choix en consultant continuellement ses « spécialistes », polissant son image de chef de meute lors de séminaires. Il est aux petits soins avec sa garde rapprochée, lui fait souvent des cadeaux. « Les séminaires de janvier, sans match, sont intéressants. Il y a des balades à vélo, de la motoneige au programme, décrit Stéphan. Cela permet de prendre le temps de discuter en dehors des rassemblements normaux durant lesquels on est tous occupés. »

« Pas plus pour la composition de son staff que pour n’importe quel problème concourant à la performance, Didier ne néglige quoi que ce soit. Pour lui, chaque détail compte… et rien n’est détail, développe Philippe Tournon, ex-chef de presse des Bleus, parti en retraite après le sacre moscovite. Chaque personne de son staff a été soigneusement choisie. Une fois en place, chacun sait ce qu’il y a à faire et à ne pas faire. Et le boss a l’œil. Donc oui, la qualité du staff, le fait que le travail de chacun soit “validé” constamment par le patron a certainement eu son importance dans la conquête du titre de champion du monde. »

Il arrive parfois qu’un membre du staff tombe en disgrâce. Ce fut le cas de l’ex-manageur des Bleus Erwan Le Prévost, chargé de la logistique lors du Mondial brésilien de 2014. Ce cadre de la FFF à la langue bien pendue a été congédié et remplacé par Philippe Brocherieux.

Le confortable bail dont bénéficie le sélectionneur, lié à la FFF jusqu’à l’Euro 2020, offre davantage de visibilité à son staff. « C’est un plus pour un staff quand on est contractuellement conforté. Les choses sont claires pour les joueurs », reconnaît Stéphan, très à l’aise dans son rôle de sourcilleux chef du gouvernement Deschamps.