Après avoir estimé, en février dernier, qu’un homme pouvait être victime de discrimination basée sur le genre, la justice autrichienne a condamné, mardi 8 octobre, une femme, objet d’attaques sexistes sur les réseaux sociaux, à verser 4 000 euros de dommages et intérêts à son agresseur présumé et 3 000 euros à l’Etat, pour couvrir les frais de justice.

En première instance, Sigrid Maurer, une ancienne députée écologiste, a été reconnue coupable d’avoir violé la loi sur les médias et d’avoir porté atteinte aux intérêts d’un propriétaire de bar-tabac. Sur Twitter et Facebook – considérés donc comme des médias –, elle avait posté, en mai dernier, le nom du monsieur et le texte ordurier qu’il lui avait envoyé par le biais de Messenger, et ce sans vérifier qu’il était bien personnellement à l’origine de la missive des plus fleuries.

Ce dernier, cible de la foudre des internautes par la suite, affirmait que la page Facebook de son établissement était à la disposition de ses clients et qu’il n’était pas derrière les suggestions dégradantes et à caractère sexuel qui avaient été envoyées. La justice a estimé qu’avant d’exposer publiquement des contenus privés, l’ancienne élue, qui voulait dénoncer l’absence de recours judiciaires possibles pour les victimes de harcèlement sexuel en ligne, aurait dû entrer en contact avec lui pour s’assurer de son identité.

« Je ne compte pas reculer »

« Car ce n’est pas lui qui a écrit ce message », jure l’avocat du commerçant, Adrian Hollaender, cité par l’Agence de presse autrichienne APA. « On ne parle pas de politique ou de féminisme dans cette affaire. Il s’agit juste d’un cas de diffamation. » Si elle réjouit ceux qui s’inquiétaient des dérives possibles dans le cadre des dénonciations en ligne du mouvement #MeToo, la décision prouve malgré tout que « les victimes du cyber-harcèlement disposent de peu de leviers pour se défendre », déplore Schifteh Hashemi, une militante des droits des femmes.

Maria Stern, la chef du parti d’opposition Liste Pilz (écologiste) parle, elle, d’un « mauvais signal » envoyé par le tribunal de Vienne. « Les victimes réfléchiront désormais à deux fois, avant d’alerter sur des comportements inappropriés. » Quant à Sigrid Maurer, elle s’est déclarée « choquée » par le verdict, rendu par un juge de sexe masculin. « Je ne compte pas reculer, dit-elle. On va aller en appel, peu importe ce que cela coûtera. Il est absolument clair que cet homme est derrière les messages que j’ai reçus. »

Avec humour, elle a démontré sur Twitter que les recommandations du tribunal étaient par ailleurs inapplicables. Employant toutes les formules de politesse nécessaires, et après avoir pris le soin de masquer l’identité du jeune homme, elle a demandé à l’un de ses harceleurs de bien vouloir lui fournir une copie de son passeport, afin qu’elle puisse, avec toute la « rigueur journalistique » nécessaire, vérifier son identité, avant de publier en ligne son nom, accompagné du message obscène qu’elle venait de recevoir. « Bouge de là ! » a-t-elle alors reçu comme seule réponse.