Le gouvernement se préoccupe des copropriétés en grande difficulté. Il lance, mercredi 10 octobre, un plan baptisé « Initiatives copropriétés » dont l’objectif est de redresser 986 immeubles jugés à la dérive, gangrenés d’impayés et incapables d’assurer leur entretien. « Cela concerne 56 000 logements [dans toute la France] et autant de familles dans une situation inacceptable, des immeubles à l’abandon et un environnement dégradé », juge Julien Denormandie, secrétaire d’Etat à la cohésion des territoires, en visite à Marseille pour lancer le premier comité de pilotage de son programme. « Nous aiderons et soutiendrons les copropriétés elles-mêmes, sans distinguer si elles sont détenues par leurs occupants ou des bailleurs », précise-t-il.

Initiative copropriétés coûtera 3 milliards d’euros sur dix ans, de 2019 à 2029. Le plan sera pour l’essentiel financé par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH, 2 milliards d’euros), qui pilotera les projets, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (500 millions d’euros), le réseau issu du mouvement HLM Procivis, très engagé dans l’accompagnement des copropriétés en difficultés (240 millions d’euros), le solde étant pourvu par Action Logement et la Caisse des dépôts.

« Impulser une dynamique »

L’intervention des pouvoirs publics pour redresser les syndicats de copropriété défaillants remonte à 1996 et au premier pacte de relance pour la ville d’Alain Juppé, qui créa des plans de sauvegarde. « Mais nous ne sommes pas allés assez loin et assez vite, réagit Julien Denormandie. Il ne suffit pas de mettre des outils en place, il faut impulser une dynamique. Initiative copropriétés est une politique publique adaptée à chaque territoire, partenariale, associant les élus qui sont, eux, en première ligne. »

La priorité est centrée sur quatorze sites avec chacun son comité de pilotage, pour traiter 128 immeubles en grande détresse. L’ANAH dispose d’une enveloppe de 25 millions d’euros (doublée par rapport aux années précédentes) pour financer, si besoin préfinancer, des travaux d’urgence et de sécurité. « C’est une excellente nouvelle, car les copropriétaires sont souvent dans l’incapacité financière de payer à la fois le fonctionnement courant, les travaux d’entretien et, bien sûr, les gros travaux », applaudit Philippe Rio, maire (PCF) de Grigny (Essonne), qui accueille sur sa commune la plus vaste copropriété de France, Grigny 2, et ses 5 000 logements. Ici, les balcons s’effritent, les garde-corps tombent, les ascenseurs ne fonctionnent plus dans des cages d’escaliers montant jusqu’à dix étages…

L’ANAH pourra aussi, dans ce nouveau cadre, apporter une aide financière à la gestion urbaine de proximité, c’est-à-dire la remise en état de l’environnement de ces immeubles, parkings, espaces verts à l’abandon, où déchets et encombrants ne sont jamais ramassés… « C’est très important, car ce progrès visible atténue la dévalorisation des lieux et contribue au meilleur moral des habitants que nous pourrons alors remobiliser », se félicite M. Rio, qui, au nom des maires de banlieue, estime avoir été entendu à l’occasion de l’élaboration de ce plan.

Une dette qui augmente

Les syndics professionnels ne sont pas oubliés : ils recevront un soutien administratif de la Caisse des dépôts pour monter les dossiers de prêts et de financement. Dans la perspective, notamment, des nécessaires démolitions qu’il faudra envisager dans les immeubles les plus mal en point, une société de portage est également créée par la Banque publique pour acheter les logements au fil des départs de leurs propriétaires.

« C’est un traitement pour les “grands brûlés”, mais il y manque des solutions préventives pour les 100 000 copropriétés fragiles, c’est-à-dire sujettes aux impayés, détectées par l’ANAH, soit 19 % des immeubles et un million de logements », selon Emile Hagège, directeur général de l’Association des responsables de copropriété (ARC). L’ARC a examiné les documents financiers de 2 000 immeubles, sur quatre exercices, entre 2014 et 2017, et fait un constat inquiétant : dans cette période, la dette moyenne des copropriétaires a augmenté de 26 %, passant de 29 876 à 37 611 euros. « Nous sentons un glissement lent mais sûr vers la faillite des copropriétés, relève M. Hagège. Le fonds travaux, qui devait constituer une épargne, est détourné de son objet et paie les dépenses courantes », alerte-t-il.

Dans une étude de 2011, l’ANAH estimait à 100 000 sur 691 000, soit un million de logements, le nombre de copropriétés en état de fragilité financière.