Dans une classe, à Jalandhar, en Inde, en mai. / SHAMMI MEHRA / AFP

Mieux vaut grandir en Australie qu’au Laos, ou en Islande plutôt qu’au Nigeria. Tel peut être l’un des enseignements, sans grande surprise, du tout nouvel indice publié, jeudi 11 octobre, par la Banque mondiale (BM) et consacré au capital humain. Mais l’ambition de ce classement inédit couvrant 157 pays, et dévoilé à Bali, en Indonésie, à l’occasion de l’assemblée générale de l’institution, est bien plus large.

S’il s’appuie sur des données telles que le niveau d’éducation, l’espérance de vie à la naissance ou l’accès à la santé, son objet est de montrer à quel point ces domaines, et les investissements qui leur sont consacrés, influent sur la productivité des individus. Et, par ricochet, sur la croissance et la prospérité des nations.

Au premier rang trône Singapour, suivi de la Corée du Sud et du Japon. Ces trois Etats sont ceux qui investissent le mieux dans leurs populations et sont susceptibles de tirer le plus grand dividende économique de cette richesse immatérielle. Les pays avancés forment l’essentiel du premier tiers du classement. La France se situe à la 22e place, deux rangs devant les Etats-Unis.

L’Afrique surreprésentée en queue de peloton

A l’autre bout du spectre, l’Afrique est surreprésentée, avec le Niger, le Soudan du Sud et, enfin, le Tchad, en queue de peloton. Une nomenclature prévisible, même si elle révèle des résultats inattendus. Ainsi, l’Inde, grande puissance émergente, ne se classe qu’à la 115place. « Et certains pays font aussi bien, voire mieux que d’autres, tout étant moins riches », souligne Annette Dixon, vice-présidente de l’unité capital humain à la BM. Tel le Sri Lanka qui colle à l’opulente Arabie saoudite en milieu de classement.

Les Etats pointés du doigt pour leurs faibles performances ne risquent-ils pas de se sentir humiliés ? « Aucun pays n’atteint le score maximum et tous ont quelque chose à apprendre des conclusions de cet indice. Y compris les plus avancés qui vont devoir continuer à développer leur capital humain pour s’adapter à l’économie de demain », souligne Mme Dixon.

La Banque mondiale espère que le classement poussera les pays à engager des efforts pour gravir des échelons. Elle se réfère à l’exemple de l’enquête internationale PISA sur les performances des systèmes scolaires des Etats membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques : choqués par leurs résultats dans les premières éditions, certains pays comme l’Allemagne et la Pologne ont entrepris des réformes radicales.

« Le seul capital des personnes les plus pauvres »

Pour l’institution phare du développement économique, il y a urgence. « Le capital humain est souvent le seul capital des personnes les plus pauvres, a insisté, jeudi, le président de la BM, Jim Yong Kim. C’est l’un des facteurs essentiels d’une croissance économique durable et inclusive. Pourtant, les investissements dans la santé et l’éducation n’ont pas reçu l’attention qu’ils méritent. »

Refondre son système éducatif est un travail de longue haleine, quand la construction de routes et voies ferrées peut générer des gains rapides, économiques et politiques.

Le sujet est porté avec emphase par cet anthropologue de formation et ancien médecin de brousse. Celui-ci ne manque jamais de rappeler que, malgré les progrès immenses entrepris lors des dernières décennies, des écarts béants persistent à travers le globe. Ainsi, la moitié de la population mondiale n’a pas accès aux services sanitaires essentiels. Et dans les pays en développement, 60 % des enfants ayant suivi l’école primaire ne maîtrisent pas les apprentissages fondamentaux.

Si les responsables politiques rechignent parfois à investir dans leurs populations, « c’est souvent parce que les retombées, même importantes, mettent du temps à se manifester », explique Mme Dixon. Refondre son système éducatif est un travail de longue haleine, quand la construction de routes et voies ferrées peut générer des gains rapides, économiques et politiques.

En attendant, ces insuffisances risquent de mettre en péril les objectifs de développement durable adoptés par les Nations unies. Et notamment le premier d’entre eux, au cœur de la mission de la Banque mondiale : mettre fin à l’extrême pauvreté d’ici à 2030.