Emmanuel Macron lors d’un discours au sommet de l’Organisation internationale de la francophonie à Erevan, en Arménie, le 11 octobre. / Grigor Yepremyan / AP

Accusée notamment de violations des droits humains, l’Arabie saoudite a décidé de retirer sa demande, très contestée, d’adhésion à l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), a annoncé jeudi 11 octobre cette dernière.

L’OIF devait étudier la candidature saoudienne jeudi après-midi, en pleines interrogations sur la disparition mystérieuse en Turquie du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, très critique envers le pouvoir saoudien.

Au premier jour du sommet de la francophonie à Erevan (Arménie), Riyad a fait parvenir un courrier à l’OIF demandant « le report » de la demande d’adhésion. Dans un discours lors de ce sommet de la francophonie, le président de la République français, Emmanuel Macron, avait plus tôt dit souhaiter une révision de la charte de la francophonie. « Faut-il se contenter de prendre quelques engagements en matière de respect des droits de l’homme [pour rejoindre l’OIF] ? », s’est-il interrogé.

Cette demande d’adhésion de l’Arabie saoudite, en tant que simple membre observateur, donc sans droit de vote, avait suscité de vives critiques au sein de la francophonie, eu égard au rapport lointain qu’entretient le pays avec la langue française mais également de violations répétées des droits humains qui y ont lieu, selon des ONG.

La gêne provoquée par cette candidature saoudienne a été accentuée par deux événements récents. D’une part la crise diplomatique entre la monarchie et le Canada, deuxième contributeur de l’OIF après la France, dont l’ambassadeur à Riyad a été renvoyé après que sa ministre de tutelle eut demandé la libération de défenseurs des droits humains récemment incarcérés dans le royaume. D’autre part, la disparition, il y a une semaine, au consulat saoudien d’Istanbul, du journaliste et dissident Jamal Khashoggi, qui, selon les médias turcs proches du pouvoir, aurait été assassiné par une équipe venue spécialement de Riyad.

L’Arabie saoudite avait déjà déposé sa candidature en 2016, mais l’OIF, déjà embarrassée, avait alors décidé de surseoir à sa décision, estimant le dossier incomplet. Une mission avait alors été envoyée sur place, notamment pour constater la situation du français dans le royaume. Son rapport, non diffusé, devait être discuté ce jeudi après-midi par l’OIF.

L’Irlande, Malte, la Gambie et la Louisiane candidates

L’OIF réunit quatre-vingt-quatre Etats et gouvernements « ayant le français en partage », mais qui comptent parfois peu de francophones, comme la Moldavie (2 % de francophones), l’Egypte ou la Bulgarie (3 % chacune), selon les derniers chiffres de l’OIF. L’Ukraine ou l’Uruguay, qui ne comptent que 0,1 % de locuteurs francophones, sont quant à eux membres observateurs de l’OIF. Actuellement, seul un tiers des pays de l’organisation reconnaissent dans leur Constitution le français.

Les Emirats arabes unis sont déjà un observateur de l’OIF, tandis que le Qatar est « membre associé », un stade supérieur qui permet de participer à davantage de réunions mais sans cependant octroyer de droit de vote.

Après le retrait de l’Arabie saoudite, il reste à l’OIF à étudier d’autres demandes d’adhésion : l’Irlande et Malte, qui comptent respectivement 12 % et 13 % de francophones, ainsi que la Gambie, petit pays largement anglophone mais entouré de pays francophones, et enfin la Louisiane.

L’Etat américain, qui porte le nom de l’immense colonie française qui s’étendait des Etats-Unis au Canada, compte 200 000 francophones, selon un recensement de l’an 2000, sur 4,7 millions d’habitants. Il s’agit majoritairement de Cajuns, des descendants des Acadiens, colons français de l’est du Canada qui furent chassés par les Anglais en 1755 lors du « Grand Dérangement ».

A la fin du sommet, vendredi, la grand-messe de la francophonie doit porter à sa tête Louise Mushikiwabo, pour un mandat de quatre ans. La nomination acquise de la ministre des affaires étrangères rwandaise consacre le « retour » de l’Afrique à la tête de l’OIF, qui avait toujours été dirigée par des Africains avant Mme Jean, et entérine son rôle incontournable de locomotive de la francophonie.

Kako Nubukpo : « La Francophonie ne doit plus être le bras armé de la France »
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