A Flamanville, en novembre 2016. / CHARLY TRIBALLEAU / AFP

La « bataille des soudures » n’a sans doute pas fini de retarder le chantier de l’EPR de Flamanville (Manche). Dans une note adressée à EDF et rendue publique le 3 octobre, le président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a sévèrement recadré l’électricien public, en s’inquiétant d’une « défaillance de surveillance » sur le chantier nucléaire normand. « C’est l’ensemble de la chaîne de surveillance qui a dysfonctionné », juge l’ASN. Pierre-Franck Chevet a également indiqué qu’« un travail technique important reste à faire » pour corriger les anomalies repérées sur certaines soudures.

Pour comprendre la vivacité de la réaction du gendarme du nucléaire, il faut revenir à l’origine de l’affaire. En février, EDF découvre des problèmes sur 38 soudures du circuit secondaire. Ce circuit d’eau sert à évacuer la vapeur vers la turbine. Il est formé de quatre boucles, associées à quatre générateurs de vapeur. Dans un premier temps, le groupe explique que ces tuyauteries sont conformes à la réglementation mais qu’elles auraient dû correspondre au standard « haute qualité », plus exigeant. Concrètement, EDF avait défini pour la construction de l’EPR cette nouvelle norme et n’a pas été en mesure de la faire respecter par ses propres sous-traitants.

Et les choses se sont compliquées quelques semaines plus tard. L’examen approfondi des soudures révèle qu’une grande partie d’entre elles ne respectent ni la norme voulue par EDF, ni même la réglementation exigée pour les équipements nucléaires sous pression. Résultat : le groupe doit reprendre cinquante-trois soudures, sachant qu’une seule soudure représente au moins huit semaines de travail supplémentaires.

Une construction qui a débuté en 2007

Alors qu’EDF espérait démarrer – enfin – l’EPR en tout début d’année 2019, son raccordement au réseau est désormais planifié en 2020. Un nouveau coup dur pour ce réacteur de troisième génération dont la construction a débuté en 2007 et qui devait être opérationnel en 2012. Il devait initialement coûter 3,5 milliards d’euros, l’affaire des soudures fait encore gonfler la facture, à près de 11 milliards d’euros.

Lire notre enquête sur le nucléaire : EDF face au risque de l’EPR

La note de Pierre-Franck Chevet laisse penser que le feuilleton pourrait se poursuivre. EDF espérait ne pas avoir à refaire huit soudures, situées à des endroits très difficiles d’accès au niveau de l’enceinte de confinement, et dont la réparation pourrait nécessiter de démonter des parties importantes de la structure. Mais l’ASN lui demande de procéder à des essais difficiles à réaliser pour prouver que ces réparations ne sont pas nécessaires. Et avertit qu’il vaudrait mieux engager « dès à présent les actions préalables à la réparation des soudures concernées ».

L’autorité de sûreté demande aussi d’élargir le champ d’investigation à « un périmètre plus large d’équipements et de sous-traitants », au-delà du seul circuit secondaire.

Devant le risque d’un nouveau dérapage du calendrier de l’EPR, le gouvernement prévoit désormais de dissocier sa mise en service de la fermeture de la centrale alsacienne de Fessenheim, alors que les deux étaient jusqu’ici liées. « On est obligé d’envisager de ne pas faire les deux opérations en même temps, car EDF n’est pas capable de nous donner une date, et l’Autorité de sûreté du nucléaire non plus, sur l’ouverture de Flamanville », a expliqué, le 4 octobre, le ministre de la transition écologique et solidaire, François de Rugy.

Maigre consolation pour EDF, l’ASN a confirmé, mercredi 10 octobre, son avis d’octobre 2017 autorisant l’EPR à fonctionner avec sa cuve actuelle, dont le couvercle devra toutefois être remplacé au plus tard fin 2024.