Editorial du « Monde ». Le Parti socialiste parviendra-t-il, un jour, à surmonter le traumatisme qu’il a subi en 2017 ? A faire oublier la déroute, sans précédent ou presque, qu’il a connue à l’élection présidentielle puis aux législatives ? A reconquérir, si peu que ce soit, le rôle déterminant qu’il a joué dans la vie politique française depuis près d’un demi-siècle ? Bref, à échapper à la lente agonie qu’ont vécue, avant lui, le Parti radical, puis le Parti communiste ? Rien n’est moins évident.

Le vendredi 12 octobre marque une nouvelle étape sur ce chemin de croix. C’est ce jour-là, en effet, que le PS quitte définitivement son siège de la rue de Solférino, cet hôtel particulier cossu, à deux pas de l’Assemblée nationale, où François Mitterrand l’avait installé en 1980 comme pour mieux préparer sa conquête de l’Elysée. Quatre décennies plus tard, le PS n’a plus les moyens de telles ambitions. Son déménagement à Ivry-sur-Seine, aux portes de Paris, serait une manière de retrouver ses racines populaires, veulent croire ses dirigeants. En réalité, c’est tout un symbole : en quittant « Solférino », les socialistes s’éloignent durablement du cercle du pouvoir.

Cette rupture n’est pas la première

C’est ce 12 octobre, également, qu’Emmanuel Maurel, chef de file de l’aile gauche du parti, a choisi pour annoncer, dans ces colonnes, qu’il claque la porte. Son réquisitoire est cinglant : en renonçant à tirer les leçons du « quinquennat calamiteux » de François Hollande, en bafouant son histoire et ses valeurs, en abandonnant l’impératif de rassemblement des forces de gauche, le PS, juge-t-il, s’est privé de la seule stratégie qui lui permettrait de se reconstruire.

Quant à la nouvelle direction mise en place au printemps autour d’Olivier Faure, elle s’est montrée, à ses yeux, incapable d’incarner le « sursaut » indispensable. Il espère donc entraîner derrière lui bon nombre de militants et d’élus, pour mieux se rapprocher de La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon.

Cette rupture n’est pas la première. Dès le printemps 2017, l’ancien premier ministre Manuel Valls avait quitté le navire – avant de mettre le cap vers de nouveaux horizons barcelonais. Puis c’est l’ancien candidat socialiste à l’élection présidentielle, Benoît Hamon, qui a fait de même pour créer son propre mouvement, Génération.s. Et ces saignées ne font que prolonger celles enregistrées depuis quatre ans : après les cuisantes défaites des municipales de 2014, des départementales de 2015, le sérieux revers des régionales de 2015 et la débâcle des législatives de 2017, le PS a perdu des milliers d’élus qui formaient son armature. L’hémorragie des militants est tout aussi spectaculaire : ils n’étaient plus que 37 000 à voter lors du dernier congrès, en mars.

Les socialistes avaient connu pareille bérézina en 1969, lorsque leur candidat à la présidentielle, Gaston Defferre, avait à peine dépassé la barre de 5 % des suffrages. Deux ans plus tard, à leur congrès d’Epinay, ils repartaient de l’avant. Ils avaient un chef, François Mitterrand. Une stratégie, l’union de la gauche. Des troupes nouvelles, puisées dans les classes moyennes et la jeunesse de l’après-68. Un credo européen enfin, adossé aux puissantes social-démocraties du Vieux Continent.

Autant d’ingrédients qui, aujourd’hui, font défaut. En panne de dirigeant ambitieux (même si François Hollande n’a pas dit son dernier mot), de stratégie, de projet consistant et de soutien européen, le PS ne lutte plus que pour sa survie. Cruelle histoire.