Paul Greengrass, qui se plaît à répéter que l’une des grandes missions du cinéma est de divertir – ce à quoi il s’est appliqué avec La Mort dans la peau (2004) et La Vengeance dans la peau (2007) –, s’attache, tous les trois ou quatre ans, à en servir une autre, qu’il juge tout aussi nécessaire. Celle-là consiste à tendre un miroir au monde pour ouvrir les consciences. Bloody Sunday (en 2002, sur la tuerie en Irlande du Nord de 1972), Vol 93 (en 2006, autour du 11-Septembre 2001), Green Zone (en 2010, à propos de l’engagement américain en Irak), Capitaine Phillips (en 2013, sur la piraterie au large de la Somalie) témoignent de cette volonté. Tout comme 22 July, le dernier long-métrage du cinéaste britannique, présenté en septembre à la Mostra de Venise, à découvrir sur Netflix. Un film rude, soucieux des faits et de leur exactitude, qui retrace le double attentat perpétré par Anders Behring Breivik, le 22 juillet 2011, en Norvège.

Ce jour-là, cet ultranationaliste d’extrême droite, âgé de 32 ans, fait exploser une bombe dans le quartier des ministères à Oslo, causant huit morts, puis se rend aussitôt après dans un camp d’été de jeunes militants travaillistes sur l’île d’Utoya où il tue soixante-neuf personnes. 22 July débute sur ces scènes de tueries auxquelles le cinéaste réserve un temps suffisant pour rendre insoutenable la fureur et le bain de sang qui en résulte ; mais un temps sans excès, dont une des vertus est de tenir l’insoutenable à bonne distance de la démonstration propagandiste.

Le procès comme fil rouge

Car la tragédie qu’il rapporte n’est ni le dessein ni la fin du film. Elle en est le début, l’ancrage pour mener une réflexion, interroger la montée des extrémismes nationalistes à laquelle ont à faire face, aujourd’hui, les démocraties. Et saisir la façon dont un pays, la Norvège, a su réagir à la menace. 22 July s’attelle à cette tâche à travers l’histoire d’une famille meurtrie par les attentats (et ayant existé), dont l’un des fils est revenu gravement blessé. Mais aussi à travers le long procès ­d’Anders Behring Breivik, d’abord diagnostiqué schizophrène par deux psychiatres mandatés avant d’être jugé pénalement responsable par une contre-expertise, obtenue sous la pression de l’opinion publique.

La tragédie est l’ancrage pour interroger la montée des extrémismes nationalistes à laquelle ont à faire face les démocraties

C’est avant tout ce procès qui détermine le ton du film, définit sa forme et conduit au discernement d’une problématique sur laquelle le cinéaste se garde bien de porter un jugement. Didactique dans le soin qu’il apporte à la justesse des faits, et dans l’équilibre qu’il entretient entre l’émotionnel et le rationnel, Paul Greengrass fournit les clés pour savoir précisément ce qui s’est passé. Il s’est appuyé sur le livre de la journaliste norvégienne Asne Seierstad, One of Us : The Story of an Attack in Norway  and Its Aftermath (Virago, 2016, non traduit), et sur la parole de victimes rencontrées par l’intermédiaire d’une association de soutien aux familles.

Il rend compte de tout cela avec une extrême rigueur, à travers une direction d’acteurs juste et une mise en scène qui tient la barre droite. Le cinéma y trouve la voie de son engagement. Autant que Paul Greengrass, le moyen d’interroger les démocraties sur les arguments qu’il est désormais urgent, pour elles, de trouver, pour combattre les courants nationalistes.

UN 22 JUILLET | Bande-annonce officielle [HD] | Netflix
Durée : 02:34

Film américain de Paul Greengrass. Avec Anders Danielsen Lie, Jonas Strand Gravli, Jon Oigarden (2 h 23). Sur Netflix.