Katharina Schulze, tête de liste des Verts en Bavière, à Munich, le 14 octobre. / POOL / REUTERS

Editorial du « Monde ». Si le résultat des élections bavaroises du 14 octobre est un séisme politique pour Berlin, à l’échelle de l’Europe, déjà tant secouée depuis trois ans, on pourrait l’interpréter comme une réplique. On aurait tort, cependant, d’en minimiser l’ampleur : parce que l’Allemagne est l’Allemagne, parce qu’elle a, depuis l’après-guerre, constitué un pôle de stabilité, parce qu’elle joue un rôle déterminant au sein de l’Union européenne, cette réplique est d’une intensité considérable.

Mais on aurait tout aussi tort de ne voir que les aspects négatifs d’une telle secousse. Trois enseignements principaux peuvent être tirés de l’élection régionale du Land de Bavière. Le premier concerne l’effondrement des partis traditionnels : les chrétiens-démocrates de la CSU, partenaire bavarois de la CDU d’Angela Merkel, accusent une chute historique de 10,5 points par rapport à 2013, même s’ils restent en tête avec 37,5 % des voix ; les sociaux-démocrates du SPD poursuivent, eux, leur descente aux enfers, comme en France, en Italie ou aux Pays-Bas, et passent même sous la barre des 10 % (9,7 %). C’est un phénomène désormais familier en Europe.

Le triomphe des Verts

Deuxième tendance lourde : l’ascension annoncée du jeune parti d’extrême droite AfD (Alternative pour l’Allemagne), qui a bouleversé le paysage politique outre-Rhin. Avec 10,2 % des suffrages, il ne fait pas un score triomphal, mais il siège désormais dans 15 des 16 Parlements régionaux.

Troisième enseignement : le triomphe des Verts, qui arrivent en deuxième position avec 17,5 % des voix. C’est là, sans doute, la leçon la plus intéressante – et la plus positive – de ce scrutin. Jeunes, résolument pro-européens, pragmatiques et ouverts, les Verts bavarois ont mené une campagne intelligente et volontariste, sous la houlette d’une jeune femme de 33 ans, Katharina Schulze. Leur succès dépasse la préoccupation croissante de la société allemande à l’égard de l’écologie ; il reflète le désir d’une autre façon de faire de la politique et la recherche de nouvelles voies pour résister à la montée du populisme et des extrémismes.

La politique n’est pas morte. Le taux de participation particulièrement élevé (72 %), ce 14 octobre en Bavière, montre que l’exercice du droit de vote reste un ­instrument civique privilégié. L’affaiblissement des partis de gouvernement, qui ont fini par perdre leur identité dans d’épuisants compromis de coalitions, au profit de mouvements comme l’AfD ou les Verts qui, eux, affichent leurs convictions ou leurs projets comme marqueurs forts de leur identité, peut aussi être interprété comme un désir de repolitisation de l’électorat.

Une même dynamique

Cette repolitisation passe par l’offre d’une réelle alternative au populisme et aux extrêmes. Les succès électoraux des Verts le même jour en Belgique et au Luxembourg, confirmant une tendance déjà enregistrée en mars 2017 aux Pays-Bas, ou, sous une autre forme, la victoire d’Emmanuel Macron et d’En marche !, en France, l’an dernier, participent d’une même dynamique, déclinée différemment suivant les spécificités nationales.

Au centre de cette dynamique se trouve le combat pour ou contre la démocratie, les sociétés ouvertes et le projet européen. C’est pour les défendre qu’une manifestation géante et pluraliste a rassemblé plus de 200 000 personnes, samedi, à Berlin, à la veille du scrutin bavarois. L’Allemagne est à son tour lancée dans cette bataille historique. A huit mois d’élections européennes cruciales, c’est une bonne nouvelle.