LeBron James, lors de la rencontre contre les Golden State Warriors, à Las Vegas (Nevada), le 9 octobre. / Ethan Miller / AFP

Jacob Emrani peut avoir le sourire. Son « rêve est devenu réalité ». L’avocat spécialisé dans les dommages corporels en est convaincu, il a joué un rôle dans l’événement qui, cet été, a secoué le petit monde du basket-ball : l’arrivée dans les rangs des Lakers, l’une des deux équipes phares de Los Angeles, de LeBron James, 33 ans, l’une des stars de la NBA, le championnat nord-américain.

En mars, Jacob Emrani, fan de longue date des Lakers, avait saisi l’occasion de la venue à Los Angeles du basketteur avec son équipe, les Cleveland Cavaliers, pour s’offrir, rubis sur l’ongle, quatre panneaux publicitaires afin d’inciter la star à rejoindre les couleurs pourpre et or.

Après l’annonce, début juillet, par les agents du joueur, de sa signature dans la franchise historique angeleno, pour « 154 millions de dollars [133 millions d’euros] sur quatre ans », l’avocat avait exulté sur la chaîne de télévision HLN : « On est de retour. Cela fait cinq ans que l’on attend ça. »

LeBron James, comme le rappelait le communiqué publié à l’occasion de cette signature, c’est quatre titres de MVP (« Most Valuable Player », meilleur joueur de la saison régulière de la NBA), trois titres de MVP des finales, et deux titres de champion olympique. De quoi susciter un certain emballement.

Pour Jacob Emrani, c’est bien simple : « On était des seconds couteaux. Maintenant, on redevient une équipe qui compte. » Et chez les supporteurs qui, le jour de l’officialisation du recrutement étaient devant le Staples Center, l’enceinte où joue l’équipe angeleno, on a senti un net regain de confiance : « C’est de nouveau acceptable d’être fan des Lakers », exultaient certains d’entre eux.

Les célébrités y sont, elles aussi, allées de leur message de soutien : de l’ancien gouverneur de Californie Arnold Schwarzenegger au rappeur Snoop Dogg en passant par l’acteur oscarisé Denzel Washington, ils ont tous accueilli en fanfare l’arrivée de la star. Sans oublier Jack Nicholson, le plus célèbre fan des Lakers, qui suit assidûment l’équipe depuis le début des années 1970.

« Avec l’arrivée de James, le tout Hollywood va vouloir assister aux matchs. Nous, les spectateurs lambda, on va devoir se contenter de nos téléviseurs », a souligné, caustique, l’animateur radio Arnie Spanier alors que les abonnements pour la saison ont bondi de 3 500 dollars à 6 000 dollars (jusqu’à 5 000 euros).

Partout où les Lakers ont joué ces dernières semaines, avant le début officiel de la saison, l’équipe a attiré les foules et les billets se sont arrachés, selon la NBA. Le match des Lakers contre les Warriors de San Francisco, le 10 octobre, a été suivi par environ 2 millions de téléspectateurs sur la chaîne ESPN, ce qui, selon cette dernière, constitue un record pour un match d’avant-saison.

Signe de l’importance accordée à LeBron James, le président des opérations basket des Lakers, Earvin « Magic » Johnson, lui-même superstar des « pourpre et or » dans les années 1980 et au début des années 1990, s’était déplacé au domicile du joueur pour le convaincre de rejoindre l’effectif. « J’ai attendu une heure dans ma voiture devant sa maison », a-t-il plaisanté lors d’un late show de Jimmy Kimmel où il était invité.

Lors de sa nomination, en février 2017, « Magic » avait promis aux fans de la franchise, orpheline depuis la retraite, l’année précédente, de Kobe Bryant, de faire venir une star et de « travailler sans relâche pour ramener les Lakers vers le titre de champion ».

Magic Johnson on Signing LeBron James to the Lakers
Durée : 10:17

La « Black Mamba Army » en embuscade

Son passage à l’Ouest, après avoir passé l’intégralité de sa carrière à l’Est – entre Cleveland et Miami – rebat les cartes en NBA. En signant à Los Angeles, LeBron James vient porter le fer aux portes de la citadelle des Golden States Warriors, qu’il a affontés en finale NBA ces quatre dernières années (une victoire pour trois défaites), et renforce la déjà très relevée conférence Ouest.

Certains supporteurs se prennent d’ailleurs à rêver, dès cette saison, d’une finale avec un retour au duel mythique des deux franchises les plus titrées de l’histoire de la NBA : les Lakers contre les Celtics de Boston – ces derniers devraient en effet profiter, selon les observateurs, du départ de LeBron pour s’imposer comme leaders à l’Est. Des ardeurs que l’intéressé a, d’ores et déjà, tenté de calmer : « Nous partons de zéro », a-t-il insisté, fin septembre, en conférence de presse.

D’autant qu’un homme seul ne fait pas une équipe, tempèrent plusieurs fans. « Je suis super content, mais ça ne veut pas dire que nous sommes en route pour la finale, reconnaît Albert Gomez, musicien de 28 ans natif de Los Angeles, accoudé au comptoir d’un bar sportif de Downtown, non loin du Staples Center. Il faut se détendre un peu… Les Lakers n’ont pas un effectif de cette envergure pour l’instant. LeBron ne peut pas tout faire. » « Une équipe de playoff ? Oui… grâce à un joueur. Mais soyons honnêtes, ce n’est pas la conférence Est. Bonne chance pour faire son trou à l’Ouest », moque, assis sur le tabouret d’à côté, John Derousseau, la trentaine.

Car l’arrivée du numéro 23 n’est pas vécue avec la même ferveur par tous. Angel Diaz a grandi dans le comté d’Orange, non loin de la mégalopole californienne. Bien qu’installé depuis huit ans dans l’Etat voisin de l’Arizona, il continue de soutenir les « Pourpre et or ». L’arrivée de la star, ce charpentier de 24 ans l’accueille avec une moue sceptique : « Il a d’autres enjeux que sportifs », affirme-t-il. En rejoignant la franchise, LeBron James viserait en réalité à asseoir sa position à Hollywood, où il officie déjà comme producteur. Des accusations que l’intéressé a déjà balayées avec autorité : « Ma décision de venir jouer ici est purement liée à ma famille et au basket, je suis un joueur de basket. »

Scepticisme chez certains, véritable colère chez d’autres. Comme le résume Gabe Zaldivar dans le magazine Forbes : « Certains d’entre vous vont acheter le maillot de LeBron James juste pour pouvoir le brûler. »

C’est le cas des admirateurs du néoretraité Kobe Bryant, la « Black Mamba Army » – en référence au surnom du joueur. A leurs yeux, le recrutement du natif d’Akron (Ohio) est une trahison envers celui qui a passé l’intégralité de sa carrière – soit vingt ans – au sein de la franchise et à laquelle il a ramené cinq titres de champion.

Kobe Bryant adoube le nouveau « roi de LA »

Une peinture murale sur la façade d’un restaurant du quartier de Venice Beach représentant LeBron James vêtu du maillot pourpre et or accompagné de la mention « Le roi de Los Angeles » a été rapidement saccagé : « LaFraud », « on ne veut pas de toi ici » ou encore les chiffres « 3-6 », référence au palmarès du joueur en finale NBA, trois bagues pour six défaites.

De quoi faire comprendre au dernier membre de la royauté angeleno qu’il est un importun. Si l’on ignore toujours l’identité du vandale, sur Twitter, un certain @BenOsaze, surnommé « Lakers Fanbase », avait offert une récompense de 300 dollars à quiconque détruirait l’œuvre. Evoquant des menaces de mort, l’utilisateur avait temporairement supprimé son compte. Avant de le rouvrir pour expliquer que son message était « une blague ».

Pourtant, Kobe Bryant a lui-même personnellement accueilli LeBron James dans « la famille », expliquant que l’arrivée de son ancien rival avait remis la formation au centre du jeu. « Nos rêves sont considérablement plus grands maintenant », a-t-il souligné : « Si vous êtes un de mes fans, vous êtes fan de la victoire, vous êtes fan des Lakers. Je saigne pourpre et or. Ça, c’est au-dessus de tout. »