Il en rêvait. Emmanuel Macron l’a fait. Fidèle parmi les fidèles du chef de l’Etat, Christophe Castaner atteint le poste qu’il convoitait en secret depuis près de deux ans. Le secrétaire d’Etat aux relations avec le Parlement doit être nommé ministre de l’intérieur, mardi 16 octobre, en remplacement de Gérard Collomb, deux semaines après la décision de ce dernier de démissionner du gouvernement. Il aura pour secrétaire d’Etat l’ancien patron de la DGSI, Laurent Nuñes, un autre proche de M. Macron.

Alors que les noms du ministre de l’action et des comptes publics Gérarld Darmanin, de l’ancien directeur de la police nationale Frédéric Péchenard ou encore du procureur de Paris en partance pour la Cour de cassation, François Molins, circulaient, c’est finalement « Casta » qui a emporté la mise. « Son principal atout, c’est qu’il a envie du job. Et ce depuis longtemps », confie un de ses proches. À 52 ans, ce macroniste de la première heure est surtout récompensé pour sa totale loyauté envers le chef de l’Etat. Un atout décisif pour s’imposer face à ses deux premiers rivaux, restés proches de Nicolas Sarkozy.

Et une qualité nécessaire pour occuper ce ministère si sensible. Le principal intéressé a lui-même conscience d’avoir été choisi essentiellement pour cette raison. « Beauvau, c’est la loyauté et l’efficacité », confiait-il au Monde, samedi 29 septembre, lors d’un déplacement à Rennes dans le cadre de la rentrée des territoires de La République en marche. Avant de se projeter : « Quand Collomb partira, le président de la République et le premier ministre vont chercher un profil de deux types. Soit un proche du président suffisamment solide ; soit un grand serviteur de l’Etat, type Alexis Kohler [le secrétaire général de l’Elysée]. » L’ancien maire de Forcalquier (Alpes-de-Haute-Provence) se situant lui-même, sans le dire, dans la première catégorie.

Consulté sur des dossiers stratégiques

Depuis sa première rencontre avec M. Macron, en 2013, lorsque ce dernier était alors secrétaire général de l’Elysée et lui député socialiste des Alpes-de-Haute-Provence, M. Castaner s’est imposé dans le premier cercle du futur chef de l’Etat, en manifestant un soutien sans faille. « Le mec m’avait impressionné de suite. Il connaissait hyper bien ses dossiers », confiait-il récemment à propos de l’ex-ministre de l’économie, en reconnaissant avoir été « très impressionné » par ce dernier lorsqu’il avait présenté la loi portant son nom en 2015 à l’Assemblée.

« Le bonhomme, on l’aime ou on ne l’aime pas, mais il est phénoménal. Il a une capacité de travail énorme », déclarait encore cet ancien rocardien, qui était situé à la droite du PS. Au fil des années, une grande proximité s’est nouée entre les deux hommes, au point que Christophe Castaner – qui tutoie le président – était consulté ces derniers mois sur des sujets hautement stratégiques, bien loin de son portefeuille ministériel aux relations avec le Parlement et de sa charge à la tête de La République en marche.

Bon soldat de la Macronie, « Casta » avait accepté de diriger le mouvement présidentiel il y a près d’un an, tout en gardant sa place au gouvernement. Mais il accomplissait ses responsabilités partisanes plus par devoir – parce que M. Macron le lui avait demandé – que par réel enthousiasme. « Je n’ai jamais eu une culture de parti », reconnaissait-il, en ne se projetant pas sur le long terme à la tête de LRM. « On ne s’inscrit jamais dans la durée. Le seul qui dure, c’est le président de la République. Moi, il me reste encore deux ans à la tête du parti, sauf accident », confiait-il le 29 septembre. Comprendre : sauf nomination comme « premier flic de France » plus rapidement que prévu.

Ceux qui le connaissent bien le savaient : cet homme aussi affable qu’ambitieux avait comme objectif de mettre la main sur la Place Beauvau lors du quinquennat. Prudent, il ne le criait pas sur tous les toits. Mais lorsqu’on lui posait franchement la question de savoir s’il en avait « envie », ses yeux s’illuminaient. Et il avouait ne pas dire non. « Je m’interrogerai si la question m’est posée… », confiait-il dans une litote. Traduction d’un poids lourd de la majorité : « Casta a toujours eu envie d’aller à l’intérieur. Ce qui lui plaît, c’est de monter au gouvernement, et d’être dans une position centrale entre l’Elysée et Matignon, pas de s’occuper du parti. »

MOins d’appétit pour les municipales

Dès la campagne présidentielle, l’ex-député du PS s’était positionné sur ce poste, à la suite de son ralliement au candidat Macron. « J’étais monsieur régalien pendant la campagne », soulignait récemment celui qui a suivi des études de juriste dans sa jeunesse, à la faculté de droit d’Aix-en-Provence, et qui a été diplômé de sciences pénales et de criminologie.

Il avait notamment participé à des débats sur le thème de la sécurité, dont un organisé par l’agence d’information AEF, spécialisée sur les sujets de sécurité, le 28 mars 2017, lors duquel il avait estimé que la police devait reposer sur « trois piliers : l’intervention, le renseignement et la proximité ». « On a besoin d’une police de proximité qui travaille à l’échelle des quartiers pour recréer un lien et rétablir la confiance », avait-il déclaré. Ou encore : « Il faudra être ferme sur l’exemplarité de la police et la lutte contre les pratiques abusives pour rétablir la confiance. » Deux jours, plus tôt, c’est lui encore qui avait présenté le volet sécurité du programme du candidat Macron, pendant près d’une heure, lors de l’émission « Le Grand rendez-vous » sur Europe 1. Preuve qu’il se prédestinait à occuper la fonction…

Et le 30 mars 2017, à trois semaines du premier tour de la présidentielle, c’est lui que le candidat Macron envoie participer à une table ronde du Centre d’analyse du terrorisme, think tank spécialisé sur le terrorisme, avec les représentants des principaux prétendants à la présidentielle, afin de débattre des moyens de mieux lutter contre les attentats. Autour de la table étaient également présents : François Pirenne (pour Jean-Luc Mélenchon), le député socialiste Dominique Raimbourg (pour Benoît Hamon), Jérôme Rivière (pour Marine Le Pen) et Eric Ciotti (pour François Fillon).

Pour se rendre totalement disponible pour le poste de ministre de l’intérieur, M. Castaner montrait d’ailleurs ces dernières semaines de moins en moins d’appétit pour une candidature à Marseille aux élections municipales. Son arrivée à Beauvau pose désormais la question de son maintien à la tête du parti macroniste. Il pourra en discuter avec le chef de l’Etat, après avoir savouré sa promotion. « Ce que je vis est extraordinaire », confiait-il récemment. Il n’avait pas encore tout vu.