Franck Riester, le 8 décembre 2017. / JOEL SAGET / AFP

C’est un soulagement pour Franck Riester. Le député (Agir) de Seine-et-Marne a été nommé, mardi 16 octobre, ministre de la culture et de la communication, en remplacement de Françoise Nyssen. Une reconnaissance pour le travail de longue date qu’il a mené sur les dossiers culturels : spécialiste de l’audiovisuel, ancien membre de la commission des affaires culturelles, M. Riester a été le rapporteur des projets de loi Hadopi 1 et 2 sur la propriété intellectuelle durant le mandat de Nicolas Sarkozy. Il a par ailleurs occupé le poste de secrétaire national à la communication au sein de son ancien parti, Les Républicains (LR). Grimper dans l’appareil gouvernemental permet surtout à l’ex-maire de Coulommiers, âgé de 44 ans, de rompre avec une forme d’isolement, après s’être activé depuis le début du quinquennat aux confins de la majorité, sans jamais vraiment parvenir à être entendu.

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Il fallait le voir, le 31 juillet, à la tribune de l’Assemblée nationale, défendre, d’un côté, le premier ministre, Edouard Philippe, face aux deux motions de censure déposées contre le gouvernement à la suite de l’affaire Benalla, et se plaindre, de l’autre, du manque de considération de l’exécutif à l’égard du groupe UDI, Agir et indépendants qu’il codirige. « Monsieur le premier ministre, depuis un peu plus d’un an, avec votre gouvernement et à la demande du président de la République, vous avez entrepris la transformation de notre pays, félicitait-il. Toutefois, permettez-moi de vous suggérer de faire davantage confiance à celles et ceux qui pourraient améliorer ou amplifier la transformation. » La critique était mesurée ; la frustration patente.

Il n’est pas tous les jours gratifiant d’animer une baroque « opposition constructive » qui se trouve, selon l’humeur du moment, « ni dans l’opposition ni dans la majorité » ou « et dans l’opposition et dans la majorité ». « Ils sont alignés sur Macron », rit-on plutôt sous cape à l’UDI à propos de ces élus « constructifs » issus de LR.

LRM, « fourre-tout » idéologique

Franck Riester représente, avec M. Philippe, mais aussi Gérald Darmanin, Sébastien Lecornu ou encore Thierry Solère, l’un des acteurs de la bande du Bellota-Bellota. Cette coterie d’ambitieux lieutenants de la droite, qui se retrouvait régulièrement pendant le quinquennat de François Hollande dans un restaurant espagnol du 7e arrondissement de Paris – le Bellota-Bellota, donc –, brûlait d’exercer le pouvoir. En compagnie de Bruno Le Maire, autre convive occasionnel, tous sont passés avec armes et bagages dans le camp d’Emmanuel Macron après sa victoire en 2017. L’occasion de ne pas replonger dans un nouveau cycle d’opposition, mais aussi de rompre avec LR, un parti trop droitisé au goût de certains.

« J’ai senti que cela basculait quand j’ai vu Jean-François Copé suivre, à partir de 2012, la stratégie de droitisation, de “buissonisation” de Nicolas Sarkozy, raconte Franck Riester. Des digues ont sauté au moment des débats sur le mariage pour tous, puis avec la candidature de François Fillon à la présidentielle. Et enfin le ni-ni exprimé vis-à-vis du Front national et d’Emmanuel Macron au second tour de la présidentielle en 2017. » M. Riester, qui a publiquement revendiqué son homosexualité, est l’un des deux seuls députés UMP à avoir voté en faveur du mariage pour tous, en 2013.

Après l’élection de M. Macron, la plupart des membres de la bande du Bellota-Bellota ont rejoint le gouvernement ou adhéré à La République en marche (LRM). Seuls MM. Philippe et Riester n’ont pas grimpé à bord du parti majoritaire – un « fourre-tout » idéologique, regrette le second. Mais, dans ce duo, il y en a un qui pouvait se targuer d’être premier ministre.

Fidèle à son objectif initial

A défaut d’avoir été sollicité tout de suite pour un poste ministériel, le député est resté fidèle à l’objectif initial qu’il partageait avec certains de ses amis, Thierry Solère en tête : celui de structurer un centre droit en friche en créant un nouveau parti. Et ce malgré les réticences d’Emmanuel Macron, jaloux de l’omnipotence de LRM. « Macron n’est pas favorable à la création de notre parti, il est en mode gaullo-jupitérien. Mais on va le faire quand même », racontait, bravache, un proche de M. Riester à l’automne 2017. Agir, dont le nom est directement inspiré des initiales d’Alain Juppé, parrain plus ou moins officiel de l’opération, naît dans la foulée. « Tout est en place pour que l’on puisse devenir un grand parti politique », espérait encore ces dernières semaines M. Riester, qui a pris la présidence de la formation à l’occasion de son congrès fondateur, le 16 septembre. Ses adversaires chez LR ne manquent pas, eux, de railler un « groupuscule » ne réunissant que quelques dizaines d’élus. « Leur stratégie est illisible, c’est une aventure vouée à disparaître, cingle un juppéiste resté en dehors du projet. Il n’y a qu’Alain Juppé et Jean-Pierre Raffarin pour aller leur donner des points de vie de temps en temps, comme dans les jeux vidéos. »

Franck Riester défendait encore ces dernières semaines l’idée de présenter une liste indépendante aux élections européennes de mai 2019. « C’est un moyen d’exister, d’avoir du temps de parole, de faire connaître la marque », reconnaissait-il. Mais l’entreprise semble mal embarquée. « Il faut atteindre 3 % pour se faire rembourser de ses frais de campagne, ça va en refroidir certains. Riester, il vend sa concession Peugeot si ça ne marche pas ? », interrogeait-on, moqueur, dans l’entourage de Laurent Wauquiez, le président de LR. Une référence aux concessions automobiles gérées encore aujourd’hui par M. Riester, un héritage de son père et de son grand-père. La question ne se posera finalement pas : le député concessionnaire est devenu ministre.