Canal+, mardi 16 octobre à 21 heures, film

Un vieil homme tanné, songeur, accoudé à la ­terrasse d’une maison dominant la calanque (dite « de Méjean »). Le temps de regarder, une dernière fois en conscience, la beauté familière du site, les maisons modestes et multicolores, le viaduc en surplomb, la mer scintillante à l’horizon. Puis dire « tant pis » et s’écrouler. Fin du paradis prolo, l’histoire peut commencer. Tout se joue ici, dans le périmètre réduit de l’anse maritime, scène environnée d’angoisse, sur laquelle se couche désormais le soleil pâle et hivernal d’une inexorable fin du monde.

C’est ici que se retrouvent, pour le veiller, les trois enfants de l’homme victime d’une attaque, cloué au lit dans le silence de sa fin annoncée. Fratrie éparpillée, dont la réunion tardive fait resurgir les tendres liens mais aussi les cruels fantômes du passé. Tout cela, en quelques plans, est remarquablement posé, senti, montré. Voici donc Angèle (Ariane Ascaride) ­débarquant d’un taxi, valise à la main, comme prête à repartir. Voici Armand (Gérard Meylan), qui l’accueille sans un sourire, le sacrifice accroché à l’âme. Voici ­Joseph (Jean-Pierre Darroussin), la voyant venir depuis le surplomb du balcon, avant de lui présenter sa « trop jeune fiancée », Bérangère (Anaïs Demoustier).

A l’ombre de la mort

La première, actrice partie depuis longtemps du foyer, a rompu avec sa famille après l’accident stupide qui a coûté la vie à sa fillette, confiée aux soins de son grand-père. A contrario, le second n’a pas bougé, a repris le restaurant ouvrier du père, s’obstine, par fidélité filiale autant que par idéal, à faire une cuisine généreuse à petits prix au risque de la faillite, s’occupe seul du malade depuis l’accident. Le troisième, qui semble toujours regarder la vie de haut, est un esprit fort, un blagueur amer, un faux cynique sur le point de tout perdre.

Lire l’entretien avec Robert Guédiguian  : « J’aurai toujours un rêve égalitaire »

Ces retrouvailles ont lieu à l’ombre de la mort, qui semble tout envelopper. C’est ce spectre familier qui, aujourd’hui, questionne sans mot dire ses enfants sur le continent enfoui de leur enfance, sur le sens qu’ils ont donné à leur vie, et sur l’heure du bilan dont ils pressentent pour la première fois, ces vieux enfants, qu’il est aussi bien le leur. Autant dire que les comptes, de chacun avec sa propre conscience et de tous avec tous, se règlent ici au bord de l’abîme, mais avec une délicatesse et une complexité qui nous évitent l’accablement du jeu de massacre. Tout ici est touchant, proche, humain.

La Villa, de Robert Guédiguian avec Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan (France, 2017, 107 min). www.mycanal.fr