Leroy Sané, le 13 octobre, à Amsterdam, lors du match Pays-Bas-Allemagne en Ligue des nations. / JOHN THYS / AFP

Leroy Sané a fait ses débuts internationaux contre la France, il y a trois ans. C’est aussi face aux Bleus qu’il a effectué son retour en sélection allemande, le 6 septembre, après avoir été écarté du groupe pour la Coupe du monde 2018. Est-ce encore contre la France, mardi 16 octobre, que l’ailier de 22 ans lancera définitivement sa carrière internationale ?

Ce serait un joli clin d’œil pour le talentueux droitier aux traits juvéniles, qui aurait pu jouer pour les Bleus – mais aussi pour le Sénégal, son père Souleymane (ancien international des Lions) possédant les deux nationalités. Ce serait aussi une façon de valider son choix de l’Allemagne, un choix qui n’apparaît, pour l’instant, pas payant au vu de ses prestations sans relief avec la Mannschaft et des critiques fréquentes dont le joueur de Manchester City fait l’objet.

Un immense tatouage qui s’étend sur son dos, le représentant lui-même en train de célébrer un but. Voilà qui illustre, pour certains, le caractère présumé du bonhomme : individualiste et présomptueux. Officiellement, c’est à cause de son faible rendement avec la Mannschaft – toujours pas le moindre but et une passe décisive en treize rencontres – que l’ailier a raté le Mondial en Russie.

« Il n’a peut-être pas encore réussi à mettre à profit son talent immense avec nous », se justifiait son sélectionneur, Joachim Löw. Mais en privé, la réponse du staff allemand tient en un mot : problème d’attitude.

Absent du Mondial à cause de son comportement ?

Retenu parmi les 27 joueurs préconvoqués en camp d’entraînement, son comportement interpelle alors. Quand le petit-déjeuner se termine à 11 heures, Sané arrive cinq minutes avant, après avoir poussé sur la grasse matinée. A l’entraînement, il joue sans envie, sans mouiller la chasuble. Finalement, son changement de coiffure (des tresses remplaçant sa coupe « afro ») et son mode de vie extravagant attirent plus l’attention que ses performances.

Si Löw lui a laissé la porte ouverte après le Mondial (« ton avenir avec la Mannschaft doit commencer en septembre »), l’ancien de Schalke 04 devra forcément évoluer pour rentrer dans le moule des sélections nationales, qui accordent de plus en plus d’importance au comportement de leurs joueurs pour soigner leur image.

« En Allemagne, le public mais aussi les spécialistes du monde du football ont plutôt compris le choix du sélectionneur, précise Uli Hesse, journaliste au magazine allemand 11 Freunde. Löw a construit la sélection autour de la notion d’esprit d’équipe, et les succès de l’Allemagne lui ont donné raison. »

Une primauté du concept de « groupe » sur l’aspect sportif qui a de nouveau triomphé lors du dernier Mondial. Pas pour l’Allemagne sortie dès le premier tour, mais pour la France de Didier Deschamps et sa politique d’éthique qui a fermé la porte des Bleus à des éléments aussi talentueux que Samir Nasri, Hatem Ben Arfa, Karim Benzema ou Adrien Rabiot.

D’un point de vue sportif, Sané (24 buts et 30 passes décisives en 95 matches avec Manchester City) s’ajoute à la longue liste de joueurs incapables reproduire leurs performances en club avec l’équipe nationale. Des raisons simples expliquent ce décalage : entraîneur, schéma tactique et coéquipiers différents. « Le profil dribbleur de Sané collait peu au style de l’Allemagne, basé sur la possession dans le camp adverse », analyse Uli Hesse.

Quel avenir pour les ailiers « provocateurs » ?

Mais Sané, élu meilleur jeune du championnat anglais la saison dernière, paye aussi l’évolution du football international au détriment des joueurs de son profil. Dans ce football tourné vers la transition rapide, une majorité de « petites équipes » et même des cadors préfèrent désormais installer un bloc bas et compact pour ne pas laisser trop d’espaces aux ailiers rapides et dribbleurs de l’adversaire.

Stratégie payante : les deux dernières éditions du Mondial ont sacré une Allemagne sans star et collective, puis une France obnubilée par l’équilibre et le repli défensif. Un football dans lequel les ailiers ont perdu leur place, au profit de milieux passeurs attirés vers l’axe (l’Allemagne d’Özil et Müller en 2014) ou à vocation défensive (la France de Moussa Sissoko à l’Euro 2016 et de Blaise Matuidi au Mondial 2018).

Quel avenir, donc, pour ces ailiers « provocateurs » comme Sané qui n’ont parfois plus les faveurs de leur sélectionneur ? Dans le cas du Mancunien, Uli Hesse se montre optimiste.

« Après le Mondial, on a regretté de ne pas l’avoir pris. C’est ce genre de joueur qui aurait pu trouver la clé face à des défenses regroupées, sur lesquelles notre jeu de possession s’est cassé les dents. Löw a annoncé que le style de l’Allemagne allait évoluer, pour devenir plus direct et laisser davantage de place aux contres : c’est un système dans lequel Sané pourra s’exprimer. »

Malgré les critiques, Leroy Sané bénéficie toujours d’une cote de popularité intacte auprès des spécialistes du football. « Y aurait-il une possibilité qu’on lui trouve un passeport britannique, afin de le prendre dans le groupe de l’Angleterre ? », s’emportait le quotidien anglais The Independent après l’annonce de Löw. Des attaquants dribbleurs comme Kylian Mbappé, Eden Hazard et Ivan Perisic ont d’ailleurs porté leur sélection parmi les meilleures du dernier Mondial.

Mais paradoxalement, ces joueurs au profil rare doivent rester… rares en sélection nationale, selon Uli Hesse, afin de ne pas perturber l’équilibre défensif de l’équipe. « Sané a besoin de beaucoup de libertés pour jouer, mais, avec Özil et Müller dans le onze de départ, cela fait déjà deux joueurs qui ont carte blanche en attaque et qui sont dispensés des tâches défensives. » La mise en retrait d’Özil en sélection pourrait bien faire un heureux.