Arte, mardi 16 octobre à 20 h 50, documentaire

C’est un trafic méconnu qui est pourtant aussi lucratif que celui de l’or ou de l’héroïne. En Asie, et principalement en Chine et au Vietnam, la corne de rhinocéros se vend 40 000 euros le kilogramme au marché noir. Les conséquences sont graves : au rythme actuel des carnages, cette espèce ­devrait disparaître d’ici à vingt ans.

Le documentaire Rhino dollars montre que, derrière ces massacres dictés par la loi du marché, se cache le crime organisé et que, par une multitude d’intermédiaires, il a tissé sa toile sur tous les continents. Le film, qui a nécessité deux ans d’investigations, a été tourné en Afrique du Sud, pays considéré comme l’épicentre des tueries : 1 000 rhinocéros y sont abattus chaque année. Mais ce film, qui prend parfois des airs de thriller, fait également escale au Vietnam et en France.

En mars 2017, Vince, un rhinocéros blanc âgé de 4 ans du zoo de Thoiry (Yvelines), a été tué de trois balles de calibre 12 et sa corne ­arrachée par des braconniers. C’était la première fois qu’un parc zoologique européen était concerné par le massacre des rhinocéros. Si la plupart des réserves animalières ont depuis renforcé leur système de sécurité, beaucoup ont aussi décidé de couper la corne des bêtes qu’ils accueillent dans le but de leur sauver la vie.

Râpée dans de l’eau ou de l’alcool

A l’échelle du continent africain, les massacres sont presque banals. On estime qu’un rhinocéros est tué toutes les huit heures. Dans le célèbre parc Kruger, qui héberge 80 % des espèces sud-africaines, 504 ont trouvé la mort en 2017.

Porté par la voix rauque de Gérard Darmon, Rhino dollars offre une enquête approfondie. Le film remonte toutes les pistes, y compris jusqu’aux braconniers, qui viennent souvent du Mozambique, un pays frontalier de l’Afrique du Sud. « Quand je vois le rhino, je vois de l’argent, confie un tueur qui gagne l’équivalent d’une année de salaire par animal abattu. Je le fais pour avoir une belle voiture, de beaux vêtements. Quand il n’y a plus d’argent, j’y retourne. »

La manne profite à beaucoup de gens, des propriétaires du bar de son village aux prostituées, en passant par les sorciers et autres adeptes de ­magie noire. Les sommes en jeu sont si élevées qu’elles permettent de corrompre des policiers, des magistrats et même des agents de surveillance des parcs nationaux et des réserves naturelles.

En Afrique du Sud, pays considéré comme l’épicentre des tueries, 1 000 rhinocéros y sont abattus chaque année

A l’autre bout de la chaîne, il y a le consommateur. Il est asiatique et vient généralement de la classe supérieure. La prise de corne de rhinocéros, qui se consomme râpée dans de l’eau ou de l’alcool, est en vogue dans les milieux d’affaires. On prête à ces fibres de kératine – qui est aussi un composant des ongles ou des cheveux – des vertus anticancérogènes et aphrodisiaques, même si aucune enquête sérieuse ne l’a démontré.

Une façon de montrer sa réussite

« Je connais un copain qui en prend pour éviter d’avoir la gueule de bois », affirme un Vietnamien. « On doit en proposer à ses invités si on veut réussir sa soirée et affirmer son statut », dit un autre. Comme s’asperger de champagne, absorber de la corne de rhino serait une façon de montrer sa réussite…

Des dizaines d’ONG luttent actuellement contre l’extermination de ces mammifères qui sont présents sur terre depuis cinquante-cinq millions d’années. Certaines infiltrent les réseaux avec des espions, d’autres n’hésitent pas à utiliser la force.

Le Sud-Africain Vincent Barkas a créé Protrack, une compagnie de sécurité privée semblable à une milice. Elle est composée de 350 hommes surentraînés et ­équipés d’armes de guerre. La survie des rhinocéros est aujourd’hui à ce prix.

« Rhino dollars », documentaire d’Olivia Mo­kiejewski (France, 2018, 95 min), mardi 16 octobre à 20 h 50 sur Arte.tv