Mike Pompeo a rencontré le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane. / LEAH MILLIS / REUTERS

Dépêché d’urgence mardi 16 octobre à Riyad, le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo s’est montré confiant dans les engagements des Saoudiens à rendre des comptes dans l’affaire de la disparition du journaliste Jamal Khashoggi, dont ils assurent ne pas être responsables. « J’estime à l’issue de ces rencontres qu’il y a un engagement sérieux à déterminer tous les faits et à rendre des comptes, y compris établir la responsabilité de dirigeants et de hauts responsables d’Arabie saoudite », a ainsi déclaré M. Pompeo dans un communiqué après une journée de rencontres à Riyad.

Se faisant l’écho de tweets du président américain Donald Trump qui s’est invité par téléphone au diner de M. Pompeo et du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, le chef de la diplomatie américaine a expliqué que les Saoudiens « démentaient énergiquement savoir quoi que ce soit sur ce qui s’est passé dans leur consulat à Istanbul. »

Mais le prince « s’est engagé à ce que le travail du procureur fournisse au monde entier une explication complète et définitive en toute transparence », a ajouté M. Pompeo, précisant que les discussions avaient eté « directes et franches ». « J’ai souligné l’importance de mener une enquête approfondie, transparente et rapide, et les dirigeants saoudiens s’y sont engagés », a-t-il assuré.

Le président américain Donald Trump a réclamé mardi l’application du principe de présomption d’innocence en faveur de l’Arabie saoudite. « Une fois encore, vous savez que vous êtes coupable avant que votre innocence ne soit prouvée. Je n’aime pas ça », a déclaré Donald Trump dans un entretien avec l’agence Associated Press. En demandant de ne pas se précipiter pour juger de la culpabilité des autorités saoudiennes, le président américain a fait un parallèle avec le juge Brett Kavanaugh. « Il faut que nous sachions d’abord ce qu’il s’est passé », a-t-il ajouté estimant que l’enquête lancée par les Saoudiens pourrait durer « moins d’une semaine ».

  • Ce que l’on sait

Jamal Khashoggi, critique du pouvoir et qui collaborait notamment avec le Washington Post, est entré le 2 octobre au consulat saoudien à Istanbul et n’est pas réapparu depuis. Il s’était exilé aux Etats-Unis l’année dernière, redoutant une arrestation après avoir critiqué certaines décisions du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane et l’intervention militaire de Riyad au Yémen.

Dans la nuit de lundi à mardi, des policiers turcs ont fouillé pendant huit heures le consulat saoudien à Istanbul, où ils ont été précédés d’un groupe de responsables saoudiens. L’équipe a ensuite emporté des échantillons, notamment de la terre du jardin du consulat.

Cette fouille est survenue au lendemain d’un entretien téléphonique entre Recep Tayyip Erdogan et le roi Salman d’Arabie saoudite, au cours duquel ils ont évoqué le cas de Jamal Khashoggi. « J’ai l’espoir que nous puissions parvenir à des conclusions qui nous permettront d’avoir aussi vite que possible une idée raisonnable [de ce qui s’est passé] parce que l’enquête s’oriente vers de nombreuses pistes, comme l’utilisation de substances toxiques, et ces choses auraient ensuite été dissimulées et soustraites », a déclaré le président turc devant des journalistes mardi. Des sources diplomatiques turques ont confié à l’Agence France-Presse (AFP) que les enquêteurs envisageaient désormais d’étendre leurs recherches, mardi, à la résidence du consul.

  • Des scénarios divers

Selon des responsables turcs, ce journaliste exilé aux Etats-Unis depuis 2017 et « bête noire » du prince héritier, a été tué au consulat par des agents saoudiens venus de Riyad. Les autorités saoudiennes ont jusqu’ici fermement démenti.

Des médias américains ont ensuite affirmé que l’Arabie saoudite, dont l’image a terriblement souffert de cette affaire, envisageait de reconnaître la mort du journaliste lors d’un interrogatoire qui aurait mal tourné au consulat. Selon CNN, le pouvoir saoudien préparerait un rapport dans lequel il tenterait de minimiser son implication dans sa disparition. Et pour le Wall Street Journal, cela permettrait à la famille royale de « se dédouaner d’une implication directe » dans l’éventuel décès.

  • Un écho international

Mardi, Michele Bachelet, haut-commissaire de l’ONU pour les droits de l’Homme, a réclamé la levée « immédiate » de l’immunité de responsables saoudiens susceptibles d’être impliqués dans la disparition du journaliste.

A Paris, le ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a dit qu’il faudrait « en tirer les conséquences » si sa mort est confirmée.

Alors que les investisseurs s’enthousiasmaient encore il y a peu des méga-projets du prince héritier, l’affaire Khashoggi semble en avoir refroidi plus d’un. Le milliardaire britannique Richard Branson a gelé plusieurs projets dans le royaume. Et plus d’une dizaine de grands noms du monde des affaires se sont retirés de la deuxième édition de la conférence Future Investment Initiative, prévue du 23 au 25 octobre à Riyad.