L’avis du « Monde » – à voir

Marie et Vincent ont invité à dîner Ben (le seul célibataire du groupe), Charlotte et Marco, Thomas et Léa, tous quadras ou quinquagénaires, amis de longue date, rodés aux moqueries amicales et complices. Malgré les audaces culinaires de Vincent qui, comme d’habitude, vont forcément réserver de mauvaises surprises, la soirée promet d’être bonne.

Elle l’est jusqu’à ce que soit décidé un jeu dont la règle, aussi simple que risquée, consiste à poser tous les téléphones portables au milieu de la table. Cela afin d’exposer aux yeux (et aux oreilles) de tous, les appels, SMS, mails, messages Facebook de chacun. Et de prouver que personne n’a de secrets inavouables. Autant dire que la soirée va très vite tourner au vinaigre jusqu’à prendre des allures de cauchemar.

Adaptation française d’un film italien sorti en 2016, Perfetti sconosciuti, de Paolo Genovese, Le Jeu, de Fred Cavayé, apporte au cinéma une nouvelle variation du dîner entre amis qui vire au grand déballage. Un genre qui s’épanouit en huis clos, à partir d’une mécanique de boulevard dont le rythme, autant que le dessein, repose sur les effets de surprise, les rebondissements et les retournements de situation.

L’ennui du quotidien

Comme les films qui l’ont précédé, Le Prénom (2012), d’Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte ou Le code a changé (2009), de Danièle Thompson, Le Jeu a pour décor l’appartement d’un couple aisé dont les amis appartiennent tous à la même catégorie : des bobos parisiens dont l’un des principaux soucis est de composer (et de s’arranger) avec l’ennui du quotidien qui émousse le désir et donc la relation amoureuse au sein du couple. Le défi que se lancent les amis, durant cette soirée, ne révèle d’ailleurs que des cachotteries d’ordre sentimental ou sexuel.

Cette limite qui circonscrit le propos, si restrictive soit-elle, a le mérite de laisser le champ large à son exploitation. Car Le Jeu ne se contente pas de divulguer les tromperies de chacun, elle en creuse jusqu’à l’os – et jusqu’aux larmes – les raisons et les effets. Telles une énigme à étages ou un emboîtement de poupées russes, certains secrets en éclairent d’autres qui, à leur tour, mettent en lumière de nouveaux faux-semblants. De cette onde de choc, nul ne sortira indemne.

L’une des plus grandes originalités du film est le surgissement de personnages que l’on ne voit pas et qui font tout basculer

Au sein de ce huis clos qui vacille, Fred Cavayé trouve son propre terrain de jeu. A partir d’une mise en mise en scène qui place le spectateur parmi les convives, il conduit son monde à travers le flot d’un courant qui charrie des rires, des tensions et des émotions. Avec, à son service, une troupe d’acteurs – Suzanne Clément, Bérénice Bejo, Doria Tillier, Stéphane de Groodt, Grégory Gadebois, Roschdy Zem, Vincent Elbaz – dont l’étendue des expressions se module jusque sur les visages.

Et un scénario dont le postulat fournit l’une des plus grandes originalités du film : le surgissement de personnages que l’on ne voit pas, que l’on imagine parfaitement, et qui font tout basculer. Sortis des portables, ils entrent virtuellement dans le champ et servent à leur tour, de manière contemporaine, la tradition du théâtre de boulevard.

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LE JEU - de Fred Cavayé - Bande-annonce
Durée : 02:08

Film français de Fred Cavayé. Avec Bérénice Bejo, Suzanne Clément, Stéphane de Groodt, Grégory Gadebois, Roschdy Zem, Vincent Elbaz, Doria Tillier (1 h 30). Sur le Web : www.marsfilms.com/film/le-jeu