Editorial du « Monde ». Grand amateur de football, le président de la République a-t-il décidé de suivre l’exemple de Didier Deschamps, le sélectionneur de l’équipe nationale ? Cela y ressemble. Pour composer la nouvelle équipe gouvernementale, il en a, en tout cas, appliqué les recettes : fini les stars capricieuses ou les mauvaises têtes susceptibles de faire la grève des entraînements, place aux joueurs combatifs, à l’abnégation au service du collectif et à un jeu solide plus que flamboyant. Deschamps avait quatre ans pour remporter la Coupe du monde – quitte à échouer, à mi-parcours, sur la scène européenne. Nul doute qu’Emmanuel Macron rêve de pareil exploit…

Tel est le sens du remaniement gouvernemental, annoncé mardi 16 octobre. Iconoclaste et disruptif au lendemain de son élection, il s’en remet aujourd’hui aux bienfaits espérés du classicisme politique. Tel est également l’esprit de la déclaration du chef de l’Etat, le soir même, à la télévision. Volontiers provocateur depuis dix-sept mois, il admet que cela ait pu heurter ; naturellement impérieux au point d’apparaître arrogant, il en revient au registre d’une gravité présidentielle plus retenue et solennelle.

Initialement destiné à remplacer le départ inopiné du ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, le remaniement s’est en effet transformé, au terme de deux longues semaines de cogitations, en un exercice minutieux de consolidation de l’équipe gouvernementale. C’est le cas sur le plan technique : les ministres qui n’avaient pas convaincu à leur poste (à la culture, la cohésion des territoires et l’agriculture) sont remplacés par des personnalités plus expérimentées et supposées compétentes dans leur domaine. Quant au ministère de l’intérieur, il est confié à l’un des plus fidèles du président, Christophe Castaner, épaulé par un expert des questions de sécurité, Laurent Nuñez.

Déterminé à ne pas « changer de politique »

Mais c’est surtout vrai sur le plan politique : le chef de l’Etat et celui du gouvernement se sont efforcés de corriger les points faibles de leur dispositif antérieur. Les alliés du MoDem de François Bayrou commençaient sérieusement à renâcler au sein de la majorité. Les voilà reconnus et rassurés par la nomination de Marc Fesneau, président de leur groupe à l’Assemblée nationale, désormais chargé des relations avec le Parlement, ainsi que par la promotion de Jacqueline Gourault.

C’est à elle, ancienne sénatrice chevronnée et consensuelle, qu’il revient de combler le fossé qui s’est creusé dangereusement ces derniers temps entre le pouvoir exécutif et les collectivités territoriales. Le défi n’est pas mince, tant l’image d’un président coupé des élus de terrain et des réalités locales s’est installée. Enfin, le centre droit menaçait de faire cavalier seul aux élections européennes de mai 2019. L’un de son chef de file, Franck Riester, ancien républicain et fondateur du mouvement Agir, entre au gouvernement, à la culture.

Bref, c’est une équipe qui se veut plus soudée, plus aguerrie et plus efficace. Et un cap qui a été fermement réaffirmé par Emmanuel Macron, déterminé à ne pas « changer de politique », à poursuivre les « changements profonds » du pays engagés depuis 2017 et à mobiliser, dans les prochains mois, tous ceux qui ne se résignent pas à la montée des populismes en Europe. Ce changement dans la continuité – figure des plus familières de notre histoire politique – suffira-t-il pour sortir de la mauvaise passe actuelle et pour calmer les « impatiences » des Français ? La réponse est loin d’être acquise.