Etudiants d’Audencia, à Nantes. / Audencia Business Group

Conférences sur l’éthique des affaires et la déontologie, cours sur l’entrepreneuriat social, création de cursus spécialisés… Depuis une quinzaine d’années, les écoles de commerce multiplient les initiatives pour sensibiliser leurs étudiants au développement durable et à la responsabilité sociétale. Rien que dans le domaine de l’économie sociale et solidaire (ESS), le nombre de diplômes est passé de moins d’une dizaine à la fin des années 1990 à plus de soixante-dix aujourd’hui.

L’Essca et HEC figurent parmi les premières écoles à avoir proposé une formation sur ces questions. Depuis, beaucoup s’y sont mises. A l’instar de Sup de Co La Rochelle avec son MBA « Stratégies du développement durable, RSE [responsabilité sociétale de l’entreprise] et environnement ». Ou encore l’Edhec qui a lancé, en septembre 2017, un certificat en innovation sociale pour une trentaine d’étudiants. Autre exemple, à l’Essec, il est possible de suivre des cours et de participer à des activités auprès d’acteurs de l’économie sociale et solidaire, dans le cadre de la chaire « Entrepreneuriat social ».

Des séminaires pour encourager la créativité et éviter « les comportements moutonniers »

Autant de réponses au reproche adressé aux écoles de management lors de la crise de 2008 : elles formeraient des manageurs sans moralité. « La crise financière a été un véritable tsunami. Les écoles se devaient de réagir », se souvient Jean-Pierre Helfer, directeur de la recherche à l’EDC Paris Business School et auteur en 2010, alors qu’il était président du Cercle de l’entreprise, d’une note réalisée avec la Fondation nationale pour l’enseignement de la gestion des entreprises (Fnege) et l’Institut de l’entreprise. Son titre : « Repenser la formation des manageurs ». M. Helfer note que des progrès ont été faits depuis : « Il n’est plus rare d’entendre parler de Foucault et de Deleuze dans des écoles de commerce. Un peu partout, des séminaires sont organisés pour aider à la créativité et à penser autrement, et donc éviter les comportements moutonniers. »

Autre signal positif : de plus en plus d’écoles de management se sont engagées, dans le cadre de l’initiative « Principles for Responsible Management Education » du pacte mondial des Nations unies, à intégrer la responsabilité sociétale des entreprises dans l’enseignement et la recherche. De son côté la Conférence des grandes écoles (CGE) a élaboré un label DD & RS (Développement durable et responsabilité sociétale).

Une phase de transition

Même les organismes d’accréditation s’y sont mis. Ainsi le très recherché label Equis a ajouté dans ses critères d’évaluation un chapitre portant sur la question du comportement responsable. « On assiste à une prise de conscience de la nécessité d’intégrer les enjeux sociaux et environnementaux dans la formation des manageurs », reconnaît Gérald Majou de la Débutrie, chargé de mission développement durable et RSE à la CGE.

De là à penser que toutes les écoles font de la responsabilité sociétale une priorité, il y a un pas à ne pas franchir trop vite. « Aujourd’hui, nous sommes dans une phase de transition, constate le vice-président de la CGE. Beaucoup d’écoles ont des modules d’enseignement sur la RSE mais elles ne sont pas toutes engagées de la même manière dans cette démarche. Certaines ont une approche systémique quand d’autres réservent les questions de RSE à un enseignement spécialisé. L’idéal, c’est que tous les enseignants de l’école s’emparent de ces questions et qu’ils les abordent à l’intérieur de leurs cours. »

Faire prendre conscience aux étudiants que le profit n’est pas la seule chose qui compte

C’est le cas d’Audencia. « Il y a six ans, nous nous sommes engagés auprès de WWF à ce qu’un dixième du volume horaire de chaque cours soit consacré aux problématiques de développement durable, d’éthique et de bonne gouvernance », détaille André Sobczak, directeur pédagogique de l’école nantaise. A l’Essca et à l’IMT business school, les notions de développement durable et de responsabilité sociétale irriguent aussi l’ensemble des programmes. « Dans chaque discipline (marketing, finance…), c’est la même question qui revient : quel impact telle décision aura-t-elle sur les différentes parties prenantes ? », explique Denis Guibard, directeur d’IMT business school. L’objectif : faire prendre conscience aux étudiants que l’avenir de l’entreprise ne se limite pas à la seule rentabilité financière à court terme et à la rémunération des actionnaires.

Cette capacité à prendre du recul et à adopter un comportement responsable fait partie intégrante de l’évaluation. « Nous avons demandé aux enseignants de concevoir des épreuves qui permettent de juger si l’étudiant est en capacité de traiter une question d’éthique en finance par exemple », précise Caroline Cazi, directrice des RH, de la diversité et de la RSE à la Montpellier Business School. Car l’objectif de ces écoles n’est pas de former des directeurs du développement durable « mais des DRH, des responsables marketing ou financier qui ont un bagage RSE », prévient Jean-Christophe Carteron, responsable RSE de la Kedge Business School. C’est dans cet esprit que Skema a intégré des cours d’éthique financière et de finance durable dans les masters de finance ou des cours de prévention des risques psychosociaux en master RH.

« Le RSE, une question secondaire »

Une démarche pas toujours bien comprise par les étudiants. Bien que très concernés et conscients des enjeux sociétaux et environnementaux – en attestent les nombreuses associations étudiantes sur ces thèmes –, ils se montrent avant tout « pragmatiques » lorsqu’il s’agit de choisir une école. « Moins d’un quart viennent chez nous pour notre engagement en matière de RSE. Beaucoup considèrent encore ces questions comme secondaires et ne relevant pas du vrai business. A nous de les amener à revoir leur jugement et de leur montrer que l’on peut être responsable et performant ! », souligne André Sobczak.

Et Jean-Christophe Carteron de pointer du doigt les classements internationaux « qui accordent encore une trop grande importance aux salaires de sortie au détriment de l’éthique. On a un système d’évaluation de la performance qui n’est pas le bon. » Les entreprises, elles aussi, ont leur part de responsabilité. « A elles de dire qu’elles veulent des diplômés bien formés à la RSE et au développement durable, et pas seulement ceux issus des écoles les mieux classées. Au final, c’est au niveau du monde économique que cela se joue », assure Jacques Huybrechts, cofondateur du réseau des Entrepreneurs d’avenir.

A moins que le changement ne vienne des jeunes diplômés qui auront été préalablement sensibilisés à ces questions. Caroline Cazi veut y croire : « Si nous formons des manageurs conscients de leurs responsabilités dans la société et en termes de développement durable, une fois dans l’entreprise, ils seront à même de faire bouger les lignes. »

« Le Monde » organise son Salon des grandes écoles les 10 et 11 novembre

La 13e édition du Salon des grandes écoles (SaGE) aura lieu samedi 10 et dimanche 11 novembre à Paris, aux Docks, Cité de la mode et du design (13e arrondissement), de 10 heures à 18 heures.

Plus de cent cinquante écoles de commerce, d’ingénieurs, IAE, IEP, écoles spécialisées et prépas y seront représentées, permettant d’échanger sur les différents programmes et leur accessibilité (post-bac, post-prépa ou après un bac + 2, + 3 ou + 4). Lycéens, étudiants et parents pourront également assister à des conférences thématiques animées par des journalistes du Monde Campus. Une équipe de vingt « coachs » pourra également conseiller lycéens, étudiants et parents pour définir leur projet d’orientation, préparer les concours ou rédiger leur CV.

L’entrée en sera gratuite, la préinscription en ligne est conseillée pour accéder plus rapidement au Salon. Liste des exposants et informations pratiques sont à retrouver sur le site Internet du SaGE.