Rockstar, le studio derrière « Red Dead Redemption 2 », a suscité la polémique après avoir évoqué des semaines de 100 heures. / Rockstar

Après le rétropédalage, la contre-attaque. Depuis jeudi 18 octobre, Rockstar Games (l’éditeur de jeux vidéo à l’origine de la série GTA et de la superproduction Red Dead Redemption 2, qui sort le 26 octobre), a lancé une campagne de communication pour redorer son image en tant qu’employeur, entachée par de récentes accusations de surcharge de travail.

Dans une interview publiée le 14 octobre, le cofondateur du label, Dan Houser, a évoqué des semaines de 100 heures de travail lors du développement de Red Dead Redemption 2. Une déclaration qu’il a minimisée dès le lendemain, à la suite de la polémique qu’elle a suscitée, évoquant des cas rares de telles semaines de travail, réservés à quelques très haut placés et sur la seule base du volontariat.

Le 15 octobre, une enquête du Monde confirmait toutefois une culture de la surcharge de travail ancrée depuis le début des années 2000, ayant mené de nombreux employés à travailler au-delà de 80 heures par semaine – dans des proportions différentes selon les filiales et les corps de métier. D’anciens salariés de Rockstar avaient également pris la parole sur les réseaux sociaux, à l’image de Job Stauffer, qui a raconté qu’à l’époque de GTA IV (sorti en 2008), « c’était comme travailler avec un pistolet sur la tempe, sept jours sur sept ».

« Jamais travaillé plus de 50 heures »

C’est dans ce contexte que Rob Nelson, codirigeant de la filiale écossaise Rockstar North, a donné un entretien au Guardian publié le 18 octobre. Il y déclare : « Est-ce que les gens travaillent dur, est-ce qu’on fait des heures supplémentaires ? Oui, c’est le cas. Est-ce quelque chose que nous voulons voir régulièrement et sur le long terme, normalisé, comme s’il s’agissait d’une médaille ou que sais-je ? Non. Nous réfléchissons dur pour trouver la meilleure organisation et nous vous encore nous améliorer. »

Cas unique dans l’industrie du jeu vidéo, la compagnie a fourni pour l’occasion des statistiques sur les temps de travail effectifs, basées sur les heures déclarées par les employés : entre 42 et 45,8 heures par semaine en moyenne du 8 janvier à la fin septembre. Ces statistiques ne précisent pas si les métiers transverses (comptabilité, relations humaines, etc.), moins exposés, sont comptés dedans, ni surtout si les heures supplémentaires, régulières chez Rockstar, sont prises en compte.

Dans le même temps, Rockstar a envoyé, jeudi 18 octobre, un e-mail à ses salariés pour les autoriser à s’exprimer publiquement sur les réseaux sociaux – une première au sein de cette entreprise notoirement connue pour sa culture du secret. Vivian Langdom, programmeuse au sein de la filiale Rockstar San Diego, a ainsi raconté sur Twitter n’avoir « jamais travaillé plus de 50 heures par semaine à la louche », mais faire régulièrement entre deux et six heures supplémentaires payées hebdomadairement.

Zoë Sams, programmeuse chez Rockstar North, assure, elle, « n’avoir jamais travaillé 100 heures de sa vie », et avoir été remerciée chaque fois qu’elle avait des heures supplémentaires. Un autre employé de Rockstar North, Tom Fauntley, s’est, lui, montré plus réservé : « Nous faisons des heures sup’. Je n’ai pas jamais vu personne forcé de travailler 100 heures par semaine, mais j’ai assurément vu des amis se rapprocher bien plus de ce chiffre qu’il ne le faudrait pour leur santé. »

Un studio vitrine et des silences

Comme le relatait Le Monde dans son enquête, Rockstar s’appuie sur un réseau de dix antennes réparties en Angleterre, en Ecosse, aux Etats-Unis et en Inde, avec des statuts et des fonctionnements différents. Rockstar North, situé à Edimbourg en Ecosse, est le centre historique de la création et jouit de conditions de travail privilégiées, ainsi que d’un attachement important de ses employés à leur entreprise. Dans une moindre mesure, il en va de même de Rockstar San Diego, qui après avoir protesté contre les surcharges de travail présentées comme très difficiles en 2010, a vu ses conditions s’améliorer.

La situation est moins rose dans les antennes moins prestigieuses, comme Rockstar Lincoln, en Angleterre, où sont prises en charge les tâches les moins qualifiées, comme le Q & A (l’assurance qualité, qui consiste à jouer en boucle au jeu pour traquer les bugs). Selon les informations du Monde, en dépit de l’e-mail interne de Rockstar, les salariés y sont bien plus réticents, voire craintifs, à l’idée de s’exprimer sur les réseaux sociaux, et à se plaindre publiquement, au vu et au su de leur employeur, de leurs conditions de travail.