L’annonce pourrait faire figure de victoire diplomatique pour une Turquie toujours confrontée au risque de l’isolement sur la scène internationale. L’Elysée a confirmé vendredi 19 octobre qu’un sommet sur la Syrie réunissant les chefs d’Etat français, turc, russe ainsi que la chancelière allemande se tiendrait bien à Istanbul le 27 octobre. L’Elysée a précisé que le président Emmanuel Macron ne se rendrait au sommet qu’en l’absence d’offensive du régime sur l’enclave rebelle et djihadiste d’Idlib, dans le nord-ouest du pays.

C’est à Ankara que revient l’initiative de ce sommet quadripartite au format inédit. Dès le mois de juillet, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, l’avait annoncé de manière unilatérale pour le 7 septembre. La tension était alors à son comble autour du secteur d’Idlib, menacé par une offensive alors jugée imminente du régime de Damas et de son allié russe. Aucun des Etats concernés n’avait cependant confirmé les allégations turques. Même si des conseillers des quatre dirigeants avaient fini par se rencontrer en Turquie à la mi-septembre.

La période était alors marquée par une grave crise diplomatique entre Ankara et Washington, catalysée par le sort du pasteur américain Andrew Brunson, privé de sa liberté par la justice turque, et bientôt alimentée par des sanctions économiques américaines contre la Turquie. Aussi, la tentative du président Erdogan pouvait être perçue comme traduisant une volonté de mettre en scène la marginalisation des Etats-Unis dans le dossier syrien.

Des différends demeurent

Depuis, la situation à Idlib s’est figée. Selon les termes d’un accord passé le 17 septembre entre Moscou et Ankara, la mise en place d’une zone démilitarisée de part et d’autre de la ligne de front qui oppose les groupes rebelles soutenus par la Turquie des forces du régime protégées par la Russie a été lancée. Le pasteur Brunson a été libéré et Ankara a retrouvé un certain prestige international grâce à sa posture offensive face à Riyad dans l’affaire du journaliste disparu Jamal Khashoggi.

D’après les déclarations formulées vendredi par la présidence turque, le sommet du 27 octobre devra notamment porter sur la situation dans l’enclave d’Idlib et sur « le processus politique » censé aboutir à un règlement du conflit qui ravage la Syrie depuis 2011. L’Elysée a de son côté annoncé des priorités similaires pour Paris : « La France entend favoriser le maintien du cessez-le-feu dans la province d’Idlib afin d’éviter une catastrophe humanitaire et une nouvelle vague massive de réfugiés, et le lancement effectif d’un processus politique inclusif. »

Outre la question d’Idlib, des différends importants demeurent cependant entre les quatre puissances concernées, notamment entre Paris et Ankara. Aux côtés des Etats-Unis, la France soutient dans le nord-est de la Syrie les Forces démocratiques syriennes (FDS) à dominante kurde. Concentrées sur la rive gauche de l’Euphrate, les FDS sont les alliées au sol de la coalition internationale contre l’Etat islamique. Or, du fait de leurs liens avec la guérilla du Parti des travailleurs du Kurdistan, en guerre contre l’Etat turc depuis 1984, la Turquie considère les FDS et leur implantation durable dans le nord-est de la Syrie comme une menace existentielle contre ses intérêts sécuritaires. La volonté manifestée par Washington, mais également par Paris, de demeurer présent en soutien aux FDS et à leurs structures civiles est un contentieux majeur avec Ankara.

Syrie : pourquoi Erdogan et Poutine se disputent la région d'Idlib
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