Victor Tiendrébéogo, chef traditionnel et cultivateur de « mung beans » au Burkina Faso. / Sophie Douce

C’est un petit haricot vert à poils au drôle de nom. Le mung bean, ou haricot mungo, une légumineuse d’origine asiatique, est le nouvel espoir des paysans burkinabés. C’est du moins ce que croit Victor Tiendrébéogo, dit « le Larlé Naba », un grand chef coutumier au Burkina Faso.

Ce jour-là, sous le soleil de midi, il ouvre les portes de sa ferme baptisée « Sompagnimdi » (« le bien fait ne doit jamais être oublié », un proverbe en langue moré), à Dapelogo, à 40 km de Ouagadougou. « Vous voyez ce grand champ ? Ce sont des plantations de mung beans, tout est bio ici, vous ne trouverez pas un seul gramme d’engrais chimique », affirme-t-il avec fierté en pointant l’horizon rempli de petites plantes à cosses.

Vêtu d’un long pagne et coiffé de son éternel chapeau rouge, Victor Tiendrébéogo a l’aura des princes. Comme son père et son arrière-grand-père avant lui, il a été nommé il y a vingt-huit ans ministre du Mogho Naba, le roi des Mossi, l’ethnie majoritaire au Burkina. Ici, tout le monde connaît celui qui se fait appeler « Naba Tigré » (« le chef de l’abondance »). Ancien député de 1992 à 2014 et ex-membre du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), le parti de l’ancien président Blaise Compaoré, il a choisi de quitter les bancs de l’hémicycle pour « retourner à la terre qui nourrit et soigne », précise-t-il.

« Haricot de l’abondance »

Depuis, Victor Tiendrébéogo est devenu le chantre du haricot « aux mille vertus », qu’il a découvert il y a quatre ans. « Un chercheur burkinabé m’a offert trois kilos de graines, j’en ai semé une partie dans mon champ et j’ai offert le reste à quelques fermiers », se rappelle-t-il. Résultat : le pays compterait aujourd’hui près de 10 000 producteurs et 6 750 hectares de cultures de mung bean, d’après ses estimations. « Et nous attendons entre 10 000 et 15 000 tonnes de récoltes d’ici au mois d’avril », s’enthousiasme le fondateur de Sompagnimdi, ferme agrosylvopastorale de 102 hectares.

Facile à cultiver, rentable et riche en vitamines, le haricot mungo possède de multiples qualités, selon son promoteur. Son principal atout : il peut s’adapter à des conditions climatiques difficiles. Un argument de poids pour les agriculteurs burkinabés qui doivent lutter contre l’aridité de la terre et la faible pluviométrie de ce pays situé en zone soudano-sahélienne.

« L’avantage de ce haricot, c’est qu’il pousse en cycle court, on peut le récolter tous les trois jours pendant trois à quatre mois, contrairement au maïs ou au niébé, qui ne produisent qu’une fois par an », explique François Ouédraogo, le responsable des activités agricoles de la ferme du Larlé Naba. « Cette plante n’a pas besoin de beaucoup d’eau, trois arrosages par semaine suffisent. Elle s’adapte ainsi bien au climat local, avec des saisons des pluies très irrégulières », poursuit l’agriculteur à la retraite, précisant que le mung bean, rebaptisé « being tigré » (« haricot de l’abondance ») par Victor Tiendrébéogo, peut atteindre jusqu’à trois tonnes de rendement à l’hectare.

Couscous, pains, gâteaux, jus… Une gamme d’aliments confectionnée à partir de cette graine se décline désormais dans la petite boutique du Larlé Naba à Ouagadougou, à quelques mètres de son palais coutumier. « Cette légumineuse est très riche en protéines, en fibres, en fer et en calcium. Un véritable “alicament” qui permet de lutter contre le diabète et l’hypertension », vante le chef traditionnel, président de la boutique Belwet, où sont commercialisés les produits.

« Eradiquer la faim »

« Le mung bean permettra d’améliorer les conditions de vie des paysans burkinabés en augmentant leurs revenus. Il est l’une des meilleures solutions pour celui qui travaille dur dans son champ mais a toujours faim parce qu’il nourrit la ville », promet Victor Tiendrébéogo, sacré « champion national pour la nutrition » par le gouvernement en juillet. Vendu 250 francs CFA le kilo (0,38 euro), contre 100 pour le maïs et 120 pour le sorgho, ce haricot pourrait apporter un complément de revenus aux cultivateurs du Burkina, où plus de 80 % de la population dépend de l’agriculture.

La ferme de Sompagnimdi emploie 150 personnes, dont 25 femmes de villages voisins. Aminata Ilboudo, une mère de quatre enfants, a été recrutée il y a cinq ans. « Grâce au Larlé Naba, j’ai pu retrouver un travail. Je gagne 25 000 francs CFA par mois [environ 38 euros], cela m’aide à nourrir ma famille », confie la cultivatrice.

Victor Tiendrébéogo est sûr de lui : « Le mung bean permettra d’éradiquer la faim au Burkina Faso d’ici à dix ans. » Le chef coutumier souhaite installer des fours à pain dans 350 communes pour fabriquer son fameux « pain tigré », préparé à base de farine de haricots. Et celui qui se présente comme un « agrobusinessman » ne compte pas s’arrêter là. Son ambition : « Rivaliser avec l’Occident, l’Asie et les Amériques grâce à une agriculture africaine biologique et performante. » Il se chuchote que les Etats-Unis seraient intéressés par le mung bean du Faso et que les Pays-Bas auraient déjà passé commande.