« C’est l’affaire de tous. » Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, a réuni, mardi 23 octobre, les principaux acteurs de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, à la suite de la multiplication des tags, graffitis et expressions antisémites dans plusieurs établissements d’enseignement supérieur en 2018.

En mars, un local de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) avait été saccagé sur le site de l’université de Tolbiac, à Paris. En septembre, des tags antisémites visaient le président de l’université Grenoble-Alpes, et en octobre, des inscriptions antisémites avaient été retrouvés dans une salle d’études d’une résidence étudiante à HEC…

La « recrudescence » de ces « manifestations à bas bruits » nécessite de « réaffirmer que c’est un délit » et que cela n’a « rien de banal », a souligné la ministre, entourée des représentants des universités et des écoles, de l’UEJF, de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme, des organisations étudiantes, ou encore de Laetitia Avia, députée LRM coauteur d’un rapport sur la lutte contre le racisme et l’antisémitisme sur Internet.

« L’université n’est plus un sanctuaire, s’est inquiété le président de l’UEJF, Sacha Ghozlan. Il y a une banalisation des paroles de haine, particulièrement sur les réseaux sociaux, qui ont un écho considérable, et incitent à passer à l’acte dans le monde réel. »

Le président de l’association a souligné l’inquiétude chez les étudiants juifs de France, qui se retrouvent isolés face à des situations de harcèlement. Il a appelé à « faire en sorte que leur parole trouve un écho » et que « la peur change de camp ».

Sur le terrain, les référents « racisme et antisémitisme » sont désormais mis en place dans « la quasi-totalité des établissements », a annoncé la ministre, effectuant un point d’étape sur la principale mesure concernant l’enseignement supérieur dans le plan du gouvernement contre le racisme et l’antisémitisme lancé en mars.

Ce réseau de référents, créés après les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher de Vincennes, en 2015, nécessite encore que ces derniers soient « mieux identifiés » par la communauté universitaire, a souligné la ministre, indiquant que des journées de formation seraient organisées dans les mois qui viennent pour ces référents. Elle a également évoqué la nécessité d’organiser des débats sur cette thématique dans les universités.

« Déficit d’informations »

Du côté des universités, les présidents travaillent à la rédaction d’un vade-mecum sur la question en direction de l’ensemble des enseignants et des étudiants. L’objectif est d’informer le plus largement possible sur ce qu’est un acte raciste, la manière de réagir et d’accompagner des étudiants qui en sont victimes. Car c’est aussi un « déficit d’informations » que constate Emmanuel Roux, à la tête de la commission juridique de la Conférence des présidents d’université.

« Nous n’avons pas de données exhaustives sur les actes racistes et antisémites, reconnaît l’universitaire. Il y a des cas qui nous remontent, cela reste ponctuel et rare, mais nous restons extrêmement vigilants. » Cela peut passer par des tags, des attitudes, des paroles, mais surtout par les réseaux sociaux, les messageries, les sites, ce qui rend les choses plus difficiles à proscrire. « Ce type d’acte n’est pas – et n’a jamais été – réservé à une partie de la population, ce n’est ni lié aux statuts sociaux ni à des niveaux d’éducation, rappelle l’enseignant-chercheur. C’est un sujet de société et l’université en est un réceptacle. »